Que se passe-t-il à Gaza ? L’armée israélienne a intensifié ses opérations ce week-end. On entend des mots forts, souvent contradictoires. Certains disent « légitime défense », d’autres « vengeance », d’autres encore « épuration ethnique ». C’est une guerre de communication qui se joue. « On dit généralement que la première victime de la guerre c’est la vérité », réagit sur France Inter Bernard Rougier, spécialiste du Moyen Orient, professeur à la Sorbonne Nouvelle. Il a publié en 2021 « Figures du Jihad mondial » (PUF) et a dirigé l’ouvrage collectif « Les Territoires conquis de l’islamisme » (PUF).
« Il y a un très grand cynisme, de la part des différents acteurs de ce conflit vis-à-vis des vies humaines »
« L’objectif israélien on le connait c’est de détruire le Hamas. Dans ce cadre là, les victimes civiles sont secondaires par rapport à l’objectif militaire. Et si on met en avant la préoccupation humanitaire, elle est immédiatement jugée comme complaisante au Hamas puisqu’elle retarderait le travail militaire », explique-t-il. « De l’autre côté, le Hamas comme toute organisation de ce type, avec beaucoup de cynisme, peut placer ses centres sous les hôpitaux et mettre en avant de manière continue les images les plus épouvantables », détaille l’université. « Il y a un très grand cynisme, de la part des différents acteurs du conflit, vis-à-vis des vies humaines : chacun est préoccupé par ses objectifs militaires. On ne voit pas dans ces conditions de solutions », juge Bernard Rougier.
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« Chacun joue sur son référentiel, sur sa mémoire propre »
« Dans la journée du 7 octobre, dans la mentalité israélienne, il s’est passé quelque chose d’épouvantable et cette dimension n’est pas vue du côté arabe ou palestinien. De l’autre côté, les bombardements à Gaza sont considérés comme équivalent ou sinon pire et réveillent une autre mémoire qui est celle de l’expulsion des Palestiniens qui alimente le souvenir de la grande catastrophe de 1948. La population de Gaza est elle-même une population de réfugiée », dit Bernard Rougier.
« Chacun joue sur son référentiel, sur sa mémoire propre (…) L’objectivité est la chose la plus difficile dans un contexte d’emballement des affects et de guerre des mots », juge-t-il. Il juge le Hamas comme une organisation « mi politique, mi terroriste ».
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« Israël va tout faire pour éliminer les infrastructures du Hamas »
« Israël va tout faire pour éliminer les infrastructures du Hamas et les têtes pensantes de l’opération du 7 octobre. Mais après ? Est-ce que ça ne va pas donner lieu à une autre organisation encore plus radicale. Qui va administrer la bande de Gaza ? », se demande Bernard Rougier.
Il ne croit pas en une « trêve humanitaire ». « Le gouvernement d’Israël considère que le Hamas a accomplit un crime contre l’humanité et qu’il doit être éradiqué. La difficulté c’est qu’ils pourront l’éradiquer sur un plan militaire mais ils ne pourront pas l’éradiquer sur le plan politique », dit-il. Bernard Rougier compare le « traumatisme israélien » à celui du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
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« Il y a un risque d’emballement provoqué par la multiplication des acteurs »
« Les conséquences que veulent à tous prix éviter les Américains c’est l’embrasement régional », selon Bernard Rougier. Une guerre qui pourrait aller jusqu’au Yémen selon lui « ça serait la catastrophe ». « Il y a un risque d’emballement provoqué par la multiplication des acteurs », analyse-t-il. « L’idée de l’administration Biden, c’est d’empêcher cette diffusion de la violence et de la maintenir à un niveau relativement acceptable, en combinant à la fois la volonté israélienne d’éradiquer le Hamas et l’idée humanitaire d’épargner les populations civiles. C’est une équation quasiment impossible », selon lui.
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