Ces pastillages d’immeubles qui aggraveront encore la crise du logement à Paris alors que des solutions éprouvées existent

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Cette mesure va-t-elle vraiment résoudre la fameuse crise du logement à Paris ?

Atlantico : Pourquoi le pastillage ne permettra pas d’atteindre l’objectif poursuivi et pourquoi ça risque même d’aggraver la crise du logement ?

Charles Reviens : Le conseil de Paris a adopté mi 2023 son premier plan local d’urbanisme (PLU) « bioclimatique » qui doit être adopté de façon définitive avant fin 2024 suite à une enquête publique en cours qui s’achève le 29 février prochain puis sa revue par les services de l’Etat. Le projet de PLU visant à constituer « une ville plus verte et plus solidaire », qui va définir la politique urbaine de Paris pour la prochaine décennie au moins, identifie de multiples immeubles ayant vocation à devenir des logements sociaux et des équipements de proximité (équipements culturels ou dédiés à la jeunesse et aux sports).

Le projet de PLU identifie (« pastille ») notamment un millier d’immeubles auxquels seront imposés une « servitude de logement social » pour tout projet nécessitant un permis de construire ou une autorisation préalable : « tout projet de construction neuve, restructuration lourde, extension, surélévation ou changement de destination doit affecter une part de sa surface de plancher à la destination habitation. Cette surface doit en outre comporter une proportion déterminée de logement locatif social ou de logement en bail réel solidaire ».

Au-delà d’une orientation générale « pastèque » (« Paris plus vert et plus solidaire »), les objectifs d’Anne Hidalgo et de la majorité municipale semblent les suivants :

–       réduire la place des bureaux au profit du logement ;

–       atteindre en 2035 40 % de logements publics dont 30 % de logements sociaux et 10 % de logements intermédiaires : on note sur ce point que la majorité municipale va bien au-delà de l’obligation légale de 25 % de logements sociaux, alors même que la déclaration de politique générale de Gabriel Attal a indiqué la volonté d’inclure les logements intermédiaires dans le seuil de 25 % ;

–       ciblage territoriale des immeubles pastillés avec la création d’une « zone d’accélération de la solidarité » et le « rééquilibrage Ouest-Est en termes de logement social ».

Mais on peut également évoquer des objectifs idéologiques et électoraux : la délégation au logement est confiée à un élu communiste depuis l’élection d’Anne Hidalgo comme maire en 2014 (Ian Brossat puis Jacques Baudrier), et on constat sur le plan du projet de PLU que les zones dites de « déficit en logement social » sont fortement concentrées sur l’Ouest de la ville, arrondissements gagnés par l’opposition municipale en 2020.

L’enquête publique en cours est l’occasion de protestations qui viennent de 3 sources principales : l’opposition municipale (Catherine Lécuyer, conseillère divers droite du VIIIème arrondissement, indique que les parcelles pastillées sont passée de 7 à 97 sur son arrondissement), les propriétaires fonciers (notamment les établissements d’éducation religieux) et les investisseurs.

On peut en particulier se demander si les propriétaires d’immeubles pastillés seront incités à faire des investissement importants face à des pertes majeures de valeur : Le prix d’achat d’un logement social neuf ou totalement rénové est de l’ordre de 4 000 à 5 000 euros le mètre carré contre 20 000 euros pour sa valeur en bureau. On peut ici se souvenir du contrôle des loyers strict institué en France en 1914 qui a abouti au final à un effondrement de l’investissement et une insuffisance majeure de l’offre de logements plusieurs décennies plus tard.

Si les objectifs politiques et idéologiques du nouveau PLUi sont clairs, une autre conséquence probable peu considérée est la poursuite de la forte divergence des prix et des loyers entre le secteur social et le secteur privé, avec la poursuite (ou l’achèvement) de l’exclusion des classes moyennes dans une ville où ne pourront au final vivre que des personnes très aisées (il faut un revenu de 220 000 euros pour q’un ménage puisse acheter un logement de 80 mètres carré à Paris) ou éligibles au logement social.

L’avenir dira si Paris combinera à terme des logements sociaux à loyers bas, des résidences secondaires pour riches étrangers et des logements destinés à la location courte durée, les logements privés pour la location et les propriétaires occupants prenant une part de plus en plus rédiduelle dans le parc de logements de la capitale française.

Thomas Carbonnier : Vous trouvez que l’économie immobilière ne se soviétise pas assez vite ? Vous avez aimé l’encadrement des loyers ? Vous avez adoré le DPE qui a exclu beaucoup de petites surfaces du marché locatif ? Vous avez très envie d’un encadrement des plus-values ? Vous trouvez que l’économie immobilière se porte à merveille ? Soyez heureux : le pastillage va permettre une hyper soviétisation de l’économie ! L’URSS l’a rêvé, la France l’a fait ! 

Le pastillage est l’opération par laquelle la ville de Paris va redéfinir un nouveau Plan Local d’Urbanisme. Des emplacements seront réservés pour accueillir un certain pourcentage de logements ainsi qu’un pourcentage par de logements sociaux. Concrètement, les propriétaires des logements construits sur ces parcelles seront tenus de s’y conformer. Autrement exprimé, ils devront procéder à une restructuration lourde de leurs biens, le vendre à la Ville ou changer de destination. 

Pour bien comprendre, prenons un exemple simple et concret : vous êtes propriétaire bailleur d’un logement à Paris. Votre rendement brut s’élève, avec l’encadrement des loyers, à modestement 3,5% brut, disons 2% net après paiement des charges, taxe foncière (qui a augmenté de plus de 60% en 1 an !) et des intérêts d’emprunt (du temps où les taux étaient bas…). Sur ces 2%, vous payez un IR à 30% minimum auquel s’ajoute des prélèvements sociaux de 17,20%, soit presque 50% au total. Donc sur les 2% de rendement net, il vous reste donc 1% après impôt (vous voilà riche comparé au rendement du Livret Epargne Populaire qui ne rapporte que… 5% net d’impôt !). Avec une inflation à 2%, vous perdez donc chaque année 1% de votre patrimoine. Soyons sympas, imaginons que votre patrimoine se revalorise de 1% chaque année, l’opération devient nulle : vous travaillez plus pour gagner… zéro (0) ! C’est vraiment fabuleux. Si vous êtes masochiste, c’est particulièrement jouissif. Pour ceux qui ne le sont pas, c’est une autre histoire.

La Ville de Paris, en quête de ressources financières, sait parfaitement que la pression fiscale est déjà à un niveau très destructeur pour l’économie. Toutefois, la Ville s’est dit qu’il fallait aider les plus modestes au profit du vilain salaud de riche propriétaire bailleur qui s’enrichit sans rien faire (comprendre celui qui gagne zéro à cause de toutes les mesures soviétiques françaises). 

Pour cela, le Khamarade propriétaire d’un bureau ou d’un commerce devra accepter de le transformer en logement y faisant des travaux lourds (1 500 à 2 000 €/m²). Ainsi, il pourra alors accueillir un locataire fragile financièrement (comprendre qui risque de vous laisser une belle ardoise de loyers impayés) conformément aux désirs de la Ville. Dans l’hypothèse où ce serait déjà un logement, le Khamarade propriétaire n’aura plus qu’à trouver un locataire potentiellement insolvable sans garantie financière pour pouvoir continuer de louer et éviter la taxe sur les logements vacants.

Cette mesure va-t-elle vraiment résoudre la fameuse crise du logement à Paris ? Il est vrai que beaucoup cherchent à se loger dans 125m² à Paris. Il faut dire qu’avec l’envolée des salaires et un loyer minimum de 3 000 €, tout le monde peut justifier de 9 000 € de ressources mensuelles… Cessons l’ironie. Bien entendu, il n’y a pas de tension sur tous les logements parisiens mais plutôt sur les petites surfaces.

Les causes de ces tensions sur les petites surfaces sont multiples et connues (encadrement des loyers ou plutôt fixation arbitraire d’un plafond de loyer inférieur au marché ; DPE qui force aux travaux d’isolation intérieur réduisant la surface habitable des petits logements à moins de 9m², les rendant ainsi indécent à la location ; forte taxation des plus-values et des revenus locatifs non meublés ; flamblée de la taxe foncière ; difficultés à obtenir un jugement d’expulsion en cas d’impayés et le concours effectif de la force publique par le Préfet).

Le pastillage n’est pas une mesurette isolée. C’est une mesure qui s’inscrit dans un mouvement de fond, une idéologie de lutte contre la propriété privée. Bien entendu, ceci n’est possible que parce qu’il est possible de prendre le train pour Bruxelles avec son patrimoine immobilier (contrairement au portefeuille d’actions de sociétés cotées en bourse).

Enfin, il y a lieu de s’interroger sur pourquoi tout le monde devrait vivre à Paris. Il y a de très belles communes en Ile-de-France qui constituent de vrais bassins d’emplois et dotés de belles activités gastronomiques et culturelles. Ainsi, Melun est une ville connue pour l’implantation de grands groupes employant beaucoup d’ingénieurs. Sarcelles, ville à la réputation injustifiée, abrite une église du 12e siècle et brasse plus de 120 nationalités. Evidemment, on ne présente plus Versailles ! Il ne s’agit que d’exemples de Villes parmi tant d’autres.

En bref, le pastillage va encore et un peu plus aggraver la situation. Nos élus ne comprennent rien à l’économie et nous le montrent au quotidien. Ils feraient mieux de se soucier de s’attaquer aux causes profondes pour relancer l’économie et l’emploi. Nous vivons dans un pays junkie, addict aux impôts.

Quelles sont les solutions utilisées par les autres villes pour combattre efficacement la crise du logement ? 

Thomas Carbonnier : Les pistes sont nombreuses pour sortir l’immobilier de l’économie soviétisée :

–            Suppression de l’encadrement des loyers ;

–            Encourager la colocation pour permettre à chacun peut bénéficier d’un loyer plus abordable pour une chambre, bénéficier d’une entraide et de surfaces communes équipées pour une vie agréable ;

–            Revoir en profondeur le calcul du DPE ;

–            Favoriser les expulsions locatives rapides notamment en cas d’impayés ;

–            Favoriser l’extension de la garantie VISALE ;

–            Encourager les propriétaires à réaliser des travaux dans les logements en permettant l’imputation des déficits fonciers sans limite sur le revenu global ;

–            Inciter fiscalement et socialement les syndicats de copropriétaires à embaucher des gardiens d’immeubles logés titulaires du CAP correspondant (ainsi l’ouvrier peut se loger dans Paris et envoyer ses enfants dans les bons établissements pour permettre une ascension sociale).

Une cliente m’indiquait être ravie de son investissement locatif à Dubaï. Je ne suis pas expert du droit immobilier à Dubaï. Toutefois, cette cliente m’indiquait que le bail est unique pour tous. Il y aurait une durée d’un an ferme et payable d’avance. Il n’y aurait donc aucun problème d’impayé a priori. Si au moment du renouvellement, le locataire ne paye pas le loyer d’avance, un jugement et son expulsion pourraient être obtenus dans quelques jours. Elle n’aurait donc pas à se soucier du profil financier de son locataire : premier venu, premier servi. Dans de telles conditions, les discriminations ethnique ou financière perdent toute raison d’exister. Nul besoin de créer un mille-feuille législatif… De simples mesures de bon sens permettent de couper court à de nombreux comportements excessifs.

Charles Reviens : La « crise du logement » est à la fois une réalité et une facilité de langage. Il faut tenir compte de la spécificité de chaque écosystème logement national et même local. Pour la France, il y a combinaison de causes conjoncturelle liée aux taux d’intérêt (baisse rapide du pouvoir d’achat immobilier, baisse de la demande pour l’accession entrainant les difficultés des filières construction et promotion immobilière, baisse de l’offre locative privée et pression toujours plus forte sur un parc social dont la croissance pourtant importante sur les dernières décennies ne satisfait jamais l’accroissement de la demande) et d’éléments structurels (cout très élevé du logement, impossibilité des jeunes générations à acheter un logement suite à trois décennies d’augmentation quasiment ininterrompue des prix et déconnectée de l’évolution des revenus).

Certaines grandes villes mondiales ont déployé des solutions pour avoir réglé clairement cette crise. Je vous renvoie à la contribution que j’avais faite sur Vienne qui a un écosystème très original avec un logement social fort mais cohérent avec le secteur locatif privé aboutissant à des prix très raisonnables pour tous. Il y a également l’exemple de Tokyo (autre contribution de ma part) qui a concentré sa politique sur la libération de l’offre constructive.

Cette chronique est reproduite du mieux possible. Si vous désirez apporter des explications sur le sujet « Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne », vous avez la possibilité de d’échanger avec notre rédaction. Notre plateforme sorbonne-post-scriptum.com vous conseille de lire cet article autour du thème « Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne ». La fonction de sorbonne-post-scriptum.com est de rassembler sur le web des données sur le sujet de Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne et les diffuser en répondant du mieux possible aux interrogations des gens. En consultant régulièrement nos pages de blog vous serez au courant des prochaines publications.