Dissolution des Soulèvements de la Terre : « Le pouvoir a pris le risque de surpolitiser le dossier »

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La suspension par le juge des référés du conseil d’État du décret de dissolution du collectif des « Soulèvements de la Terre » pose plusieurs questions. Tout d’abord celle de l’opportunité politique d’avoir entrepris cette dissolution, non pas parce qu’il n’y aurait pas eu des violences perpétrées dans le cadre ou en marge des manifestations initiées par cette entité, faut-il le rappeler sans personnalité morale, mais surtout parce qu’il ne suffit pas de dissoudre pour protéger et préserver l’ordre républicain. Bien au contraire, l’initiative gouvernementale a offert ainsi un surplus de publicité aux militants d’une sensibilité radicale qui ne demandait pas mieux que de s’auréoler d’un attribut de « persécution », notamment à l’adresse des publics les plus jeunes et les plus expressément motivées par la cause environnementale.

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Entre l’écologie exacerbée et exacerbante d’un côté et la demande d’ordre et d’autorité de l’autre, le ministre de l’Intérieur, se conformant à ce qu’il pense de son rôle et de sa feuille de route, a opté pour la seconde, quitte à prendre le risque d’être désavoué ou à ce stade contraint par la justice administrative. Limite de l’entreprise, les délits visés par l’exécutif et dont ce dernier estime qu’ils motivent la dissolution du groupement, sont présentés par les activistes comme des actes de désobéissance civile, nonobstant l’évidence de leur caractère violent. Ce faisant en sortant du seul cercle pénal, le pouvoir a pris le risque de surpolitiser le dossier.

Une lecture juridique contestable

Le choix de Darmanin est d’autant plus aléatoire que se heurtant à la suspension de l’arrêté gouvernemental il suscite une impression d’improvisation dans la préparation d’un dossier qui apparaît ainsi dans un premier temps mal étayé – ce que n’a pas manqué de souligner la plus haute juridiction administrative du pays, quand bien même n’aurait-elle pas statué sur le fond. Pour autant, la lecture opérée par cette dernière n’est pas dépourvue non plus d’ambiguïtés.

On ne peut que s’interroger sur certains de ses fondements interprétatifs, notamment lorsqu’ils esquissent déjà des éléments de fond pour arguer de leur position. Le plus discutable de cette argumentation se dessine lorsque le juge stipule que « les actions promues par les Soulèvements de la Terre ayant conduit à des atteintes à des biens se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d’initiatives de désobéissance civile et de « désarmement » de dispositifs portant atteinte à l’environnement, dont il revendique le caractère symbolique, et ont été en nombre limité ». Outre que le Conseil d’État en vient à admettre par l’évocation de la notion de « désobéissance civile » une justification des moyens par la fin, il tend à relativiser la violence des actions si ce n’est soutenu, à tout le moins excusées, par les responsables du mouvement visé par la procédure de l’exécutif. Pire, cette minoration s’appuie sur le constat du caractère restreint de ces destructions pour légitimer les motivations de sa décision, comme si la faiblesse quantitative supputée effaçait la violation de la loi.

« Une illustration supplémentaire de la profonde crise démocratique que nous traversons. »

D’aucuns, inévitablement, ne manqueront pas d’observer que les magistrats pour la circonstance introduisent au-delà du droit une appréciation très politique, voire idéologique dans leur exposé. Une demi-surprise, certes, à vrai dire confirmant que la formulation du droit n’est jamais exclusivement éthérée car souvent traversée également par des aspérités politiques, mais qui dans le contexte républicain n’en pose pas moins problème quand elle paraît valider une conception partisane subversive. De ce raisonnement, le Conseil d’État s’il venait sur le fond à confirmer cette approche ouvrirait un inquiétant appel d’air pour toute action militante recourant à des moyens entraînant destructions, brutalités et désordres, dès lors que de vagues références à une forme de bien-pensance en appuieraient l’élan.

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Dès lors le juge administratif se laisserait à dire ce qui à ses yeux distingue le bien et le mal, et non pas ce qu’est le droit positif au regard de l’ordre républicain. Il statuerait en fonction d’une sorte de droit naturel dont il établirait les prérequis – ce qui n’est pas sa vocation, encore moins sa mission. Sortant de son épure fonctionnelle, il installerait dans son système d’interprétation des ingrédients visant à qualifier ce qui est politiquement correct de ce qui ne le serait pas. Ainsi, tout dans cette affaire atteste que lorsqu’un ministre use du droit comme d’un levier de communication politique, le juge tend à s’arroger un rôle politique qui n’est pas le sien. Plus que jamais entre la radicalisation militante, l’hyper-communication du politique et la politisation du juge, c’est le fonctionnement régulier des institutions d’un côté, de l’espace public de l’autre qui paraît sortir de son lit. Une illustration supplémentaire de la profonde crise démocratique que nous traversons.

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