Durenque. Les lettres de François Fabié aux moulins de Roupeyrac

Un chemin sous les châtaigniers, un hameau qui « Chante coucou », la route qui conduit aux moulins de Roupeyrac où est né l’homme de lettres, François Fabié, préfigure du lieu inspirant. Moulins au pluriel puisqu’outre la maison natale du poète dite le moulin haut, se trouve le moulin bas. « Le moulin en bas, en haut le berceau », comme a écrit le poète. Au milieu, aire de jeux, salle de conférences, sentier dit poétique agrémenté de poèmes du « chantre du Rouergue » comme il était nommé, se laissent découvrir lors de visites guidées (et attentionnées) par Estelle d’un côté, et de l’autre Laurine pour éclairer le musée. Des ateliers redonnent vie aux moulins, comme cet après-midi-là, la fabrication du pain, la projection d’un film pour retracer le temps du siècle de Hugo où « le pain était l’âme de la maison, les femmes au lavoir et les hommes au moulin », confie Henri alias Ricou, âgé aujourd’hui de 96 printemps. Un goûter parachève la visite appréciée car on apprend la vie d’avant de la France paysanne par une ode à la campagne célébrée par François Fabié comme Alphonse Daudet en Provence. Un éclairage rendu possible par la reprise en main du moulin par la municipalité en 1950 et par les bénévoles de l’association des moulins de Roupeyrac. Le tout, grâce à la notoriété de François Fabié. Né «  dans la nuit du 2 au 3 novembre 1846, à l’heure où finit la fête des Morts, c’était naître sous de tristes augures ; de là, sans doute, une triste mélancolie « , peut-on lire au fil des pièces du moulin où vécut la famille du poète. Il y eut jusqu’à douze personnes dans ce petit espace très sommaire. Un dénuement rempli par l’autosuffisance où l’on est chasseur, pêcheur, où la famille doit organiser des battues au loup. Un petit lit sous l’escalier, un chat dressé à ses côtés, et voilà François Fabié, les yeux grand ouverts, prêt à écrire des vers pour donner forme à son imagination. L’eau, la vie, le mouvement pour connaître et contempler, on marche sur les pas de François Fabié comme il a découvert au cours de ses balades bucoliques les genêts en paix et s’est pris de passion pour les nids d’oiseaux. Il écrit ses souvenirs et ses impressions. D’un père analphabète comme l’était la mère d’Albert Camus, François Fabié est parti à l’âge de 11 ans, un 3 novembre encore, en pension à Rodez, repéré déjà pour sa plume. Il honore ses proches par des portraits, fruit de sa reconnaissance. Enseignant, il se marie à une Toulonnaise pour vivre une décennie en Provence et la suivante à Paris. Le Rouergue est loin mais les vers sont restés.

Discours à la Sorbonne

Parmi les faits marquants de celui qui fut le premier agréé en lettres modernes de France, un discours de plus de 400 vers prononcé à la Sorbonne intitulé « La poésie dans l’éducation et dans la vie. » Tant d’éternelle actualité pour décrire l’instant présent et donner des images à ce que l’on ressent. Et pour faire œuvre de transmission comme est le rôle de l’enseignant. Celui aussi de tout parent. Le poète a transmis enfin l’amour du moulin et de la vie à la campagne. Ricou est toujours debout et des fêtes permettent de s’y retrouver. La maison de l’écrivain fait vibrer le moulin que refait vivre à son tour l’association à travers de nombreuses animations. Des écoliers de Decazeville viendront se replonger en fin d’année dans le moulin et l’œuvre de l’homme de lettres à Durenque qui a donné son nom à leur école. La transmission, chaîne d’union face à l’oubli. Et pour s’éblouir de la vie.