Édouard Bourdet, du Boulevard à la Comédie-Française

, Édouard Bourdet, du Boulevard à la Comédie-Française
, Édouard Bourdet, du Boulevard à la Comédie-Française

 Édouard Bourdet, du Boulevard à la Comédie-Française

Journée d’études organisée par Marianne Bouchardon et Françoise Simonet-Tenant

(Sorbonne Université/CNRS – CELLF 16-21 – UMR 8599)

Coupole de la Comédie-Française, le 26 avril 2024

Comité scientifique : 

Marco Consolini (Université de la Sorbonne-Nouvelle), Florence Naugrette (Sorbonne Université),

Agathe Sanjuan (Comédie-Française), Jean-Claude Yon (École Pratique des Hautes Études). 

Faut-il prêter un sens à l’accident qui mit un terme à la carrière d’Édouard Bourdet (1887-1945), alors au faîte de sa reconnaissance et de sa renommée ? Le 4 février 1940, avenue des Champs-Élysées, l’administrateur général auquel la Comédie-Française doit, selon Pierre Dux, « l’une des périodes les plus brillantes de son histoire », est renversé par la voiture d’Adolphe Osso, fondateur de la filiale française de la Paramount. Si le hasard seul a voulu que le directeur de la Maison de Molière eût les jambes brisées par un producteur de films, ce fait-divers semble du moins accréditer l’idée fréquemment formulée et régulièrement débattue durant l’entre-deux guerres selon laquelle le cinéma aurait bientôt tué le théâtre. Dans les années trente, l’on ne compte plus les salles de spectacle qui, tels le théâtre de l’Avenue, le théâtre Édouard VII, le théâtre de la Renaissance, le théâtre Femina, le théâtre Pigalle ou le Vaudeville, changent de destination. Et lorsque Henri-René Lenormand imagine, au dénouement de sa pièce intitulée Le Crépuscule du théâtre (1934), un tas de manuscrits de pièces racheté au poids par un chiffonnier, il se rappelle sans doute l’histoire des archives du Vaudeville, abandonnées par la Paramount sur le trottoir du Boulevard des Capucines, où elles demeurent livrées aux injures de la pluie et des passants, jusqu’à ce que le collectionneur Auguste Rondel n’en récupère les restes. Figure emblématique de cette période de transition dans l’histoire du théâtre, Édouard Bourdet en incarne lui-même des polarités apparemment contradictoires. 

Après le triomphe de La Prisonnière au théâtre Femina, en 1926, ses comédies à succès, Vient de paraître (1927), Le Sexe faible (1929), La Fleur des pois (1932), Les Temps difficiles (1934), Fric-Frac (1936), font les beaux jours du théâtre de la Michodière, dont il est pendant près de dix ans l’un des auteurs attitrés. Qu’elles se situent dans l’univers cosmopolite de la haute société ou dans le monde interlope de la pègre parisienne, qu’elles mettent l’accent sur la décadence de la haute aristocratie, sur la ruine de la bourgeoisie d’affaire ou sur la gouaille du petit peuple, qu’elles traitent de l’homosexualité féminine ou de la prostitution masculine, ces études de mœurs, mi-réalistes mi-satiriques, tirent toujours leur efficacité d’un renversement du système des valeurs du public, qu’elle dérangent autant qu’elles le séduisent :  « Quand le rideau tombe, nous sommes terrifiés de ce dont nous avons ri », résume François Mauriac.

Contre toute attente, c’est à cet artiste du Boulevard qu’en 1936, le gouvernement issu du Front populaire confie le soin de relever la Comédie-Française, dont les recettes avait baissé de 40 % à la fin du mandat d’Émile Fabre. La Maison entre alors pour la première fois dans une logique de théâtre privé (Martial Poirson et Agathe Sanjuan). La nouvel administrateur, qui élargit ses pouvoirs et augmente les revenus de la troupe, décide de se faire assister par quatre conseillers techniques : Jacques Copeau, ainsi que trois des quatre du Cartel, Gaston Baty, Charles Dullin et Louis Jouvet, s’accordent avec lui pour opérer un « époussetage » (Baty), un « nettoyage » (Dullin), un « rapetassage » (Jouvet) de l’institution. Henry Bidou, dans sa chronique du Journal des débats, compare alors les quatre metteurs en scène à quatre médecins appelés au chevet d’une malade, dans la plus pure tradition moliéresque. Sauf qu’ici le remède opère. Cette tentative de conciliation du classicisme et de l’avant-garde, illustrée par près d’une vingtaine de mises en scène signées par le Cartel, ainsi que par la nomination de Suzanne Lalique à la tête des ateliers de costumes et de décoration, inaugure pour la Comédie-Française une période éclatante, marquée par une série de tournées triomphales jusqu’en Afrique du Nord, en Amérique du Sud et au Proche-Orient.  

À lui seul, l’itinéraire de Bourdet est ainsi révélateur de la continuité et de la circulation entre des esthétiques théâtrales que l’historiographie du théâtre a tendance à opposer. Véritable trait d’union entre le théâtre privé et le théâtre public, entre le théâtre de divertissement et le théâtre d’art, entre la culture illégitime et la culture légitime, son travail invite à interroger leur antagonisme supposé.  

À cet effet, plusieurs axes d’études pourraient être envisagés : 

– Bourdet raconté par ses proches. Quels discours sont tour à tour tenus sur lui par ses deux épouses, Catherine Pozzi, diariste, et Denise Rémon, auteur de plusieurs livres de souvenirs, mais aussi par ses amis, Paul Morand, Jean Giraudoux, Jean Cocteau ?  

– Bourdet auteur dramatique. Comment peut-on caractériser ses comédies de mœurs par rapport à celles de ses contemporains et, en particulier, par rapport à celles de son grand rival, Henry Bernstein ? Ses pièces sont-elles vraiment, comme l’affirme Jean-Loup Rivière, des pièces sans énigme ?

– Bourdet administrateur général de la Comédie-Française. Quelles ruptures et quelles continuités se dégagent au plan organisationnel, technique, esthétique, de la comparaison avec le travail de son prédécesseur, Émile Fabre ? Comment interpréter le choix fait par Bourdet d’opérer la consécration du metteur en scène ? Aurait-il eu l’intuition que, pour résister à la concurrence du cinéma, devenu parlant en 1927, le théâtre devait se réinventer pour devenir plus que jamais un « art à deux temps » (Henri Gouhier) ou un « art allographique » (Nelson Goodman) ? 

– Bourdet critique de théâtre et de cinéma. Ses chroniques dramatiques dans L’Écho de Paris puis dans Bravo préparent-elle sa nomination à la tête de la Comédie-Française ? Quels partis-pris, quelles exigences, quel programme en ressortent ? Sa chronique cinématographique dans Paris-Midi témoigne-t-elle d’un rapport réticent ou bienveillant au septième art ? Quels réalisateurs et quels films remportent ses suffrages ? 

– Bourdet à l’écran. Quels rôle les adaptations de Robert Siodmak (Le Sexe faible, 1933) et de Claude Autant-Lara (Fric-Frac, 1939) ont-elles joué dans l’institutionnalisation de Bourdet ? En sont-elles la cause ou la conséquence ? 

Bourdet sur les scènes contemporaines. Quelles salles le jouent encore ? Quelles pièces sont aujourd’hui reprises ? Une place particulière devrait être réservée dans cette journée à la mise en scène des Temps difficiles par Jean-Claude Berutti au Vieux-Colombier en 2006 ainsi qu’à la mise en scène de Fric-Frac par Michel Fau au Théâtre de Paris en 2018.

— 

Les propositions de communication, même succinctes, sont à envoyer à mariannebouchardon@yahoo.fr et francoise.simonet-tenant6@orange.fr avant le 15 décembre 2023.

Cette chronique est reproduite du mieux possible. Si vous désirez apporter des explications sur le sujet « Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne », vous avez la possibilité de d’échanger avec notre rédaction. Notre plateforme sorbonne-post-scriptum.com vous conseille de lire cet article autour du thème « Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne ». La fonction de sorbonne-post-scriptum.com est de rassembler sur le web des données sur le sujet de Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne et les diffuser en répondant du mieux possible aux interrogations des gens. En consultant régulièrement nos pages de blog vous serez au courant des prochaines publications.