Dans les universités françaises, historiquement ancrées à gauche, les syndicats étudiants d’extrême droite trouvent un certain public. C’est le cas de la Cocarde étudiante qui présente, cette année, 13 listes aux élections des représentants aux Crous.
Publié le 07/02/2024 08:24
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Quelle place pour l’extrême droite au sein des universités françaises ? Du mardi 6 février au jeudi 8 février ont lieu les élections des représentants étudiants aux Crous, qui gèrent notamment les chambres universitaires et les bourses, franceinfo s’intéresse au développement de l’extrême droite dans les campus – des lieux traditionnellement plutôt ancrés à gauche.
Devant les Facultés libres de philosophie et de psychologie, à Paris – un établissement privé, où chaque étudiant paie plus de 6 000 euros l’année – des militants de la Cocarde étudiante distribuent des tracts. Kaïna, en 2e année de droit à la Sorbonne, milite depuis quelques mois seulement, comme la moitié du petit groupe : « À la Sorbonne, il y a vraiment une hégémonie de la gauche qui est très présente et très pesante quand on ne partage pas ces idées-là. »
La préférence nationale est l’un des axes de leur programme : prioriser les Français pour l’attribution des logements et bourses étudiantes. Mais les militants insistent surtout sur la problématique de la précarité, qui a un fort écho auprès des jeunes. Devant cette fac privée, l’accueil est plutôt chaleureux. Ce n’est pas le cas bien sûr de tous les campus, même si le syndicat se targue d’aller partout : « On va à Saint-Denis, Paris-8. On va à Tolbiac… C’est amusant parce que, même quand on est dans ces facs peut-être plus réticentes à nos idées, on entend quand même de très bons retours », précise la jeune femme. Comme à chaque fois, la distribution de tracts se termine par une photo des militants qui servira à alimenter les réseaux sociaux très actifs de la Cocarde.
Le mouvement est né en 2015 à l’université parisienne d’Assas, berceau de la droite et l’extrême droite étudiante. Il revendique aujourd’hui 500 militants. Il y a trois ans, aux dernières élections Crous, qui fonctionnent par scrutins régionaux, la Cocarde avait alors déposé deux listes, à Paris et à Lyon. Cette année, il y en a 13. Une croissance qui réjouit Édouard Bina, le secrétaire général du syndicat, en 4e année à l’Institut d’études politiques de Lyon. « Nous avons une implantation qui, maintenant, se développe en dehors de la région parisienne : Lyon, évidemment dont je viens, qui a été une des premières sections de province à s’être réellement développée, Belfort, avec 20% des votes, ce qui est énorme… Je peux prendre l’exemple, aussi, de l’université de Savoie-Mont-Blanc, nous avons eu Mulhouse. Nous avons une assise électorale. Nous couvrons plus de la moitié du territoire français », assure-t-il.
Si la Cocarde refuse officiellement l’ingérence de partis politiques, elle assume tout à fait ses liens avec le Rassemblement national et Reconquête. En 2022, elle avait appelé à voter pour Marine Le Pen ou Eric Zemmour et le mouvement fournit plusieurs collaborateurs parlementaires à des élus RN mais, en revanche, elle refuse l’étiquette extrême droite. Pourtant son programme, comme son vocabulaire, ne laissent pas beaucoup de doute. En s’adressant aux « étudiants patriotes », elle veut défendre les « idées nationales ». Jordan Bardella et Marion Maréchal ont été, par exemple, invités lors de ses conférences.
Du côté des syndicats étudiants de gauche, ce développement préoccupe, parce qu’il s’accompagne aussi d’un climat de violence sur le terrain, avec des agressions – comme il y a quelques mois à Clermont-Ferrand ou Rennes – des menaces, des tags découverts l’an dernier à Lorient, Chambéry, Besançon, ou un local de l’Unef vandalisé à Lyon. Le sujet est pris très au sérieux par Maëlle Nizan, présidente de la Fage, la première organisation dans les facs : « Ce sont des organisations qui n’ont pas du tout les mêmes méthodes que nous et qui prônent ouvertement des idées xénophobes dans leur programme. C’est un constat qui nous alarme beaucoup et sur lequel on sensibilise beaucoup notre réseau pour réussir à agir et lutter contre cette montée de l’extrême droite. »
« Une militante de la Fage a été agressée à Bordeaux parce qu’elle a arraché une de leurs affiches. Arracher des affiches en élections, c’est le jeu électoral. Se faire prendre au cou par la suite, c’est une réponse qui n’est pas forcément adaptée ».
Maëlle Nizan, présidente de la Fageà franceinfo
Officiellement, la Cocarde réfute toute action violente, travaille son image d’organisation sérieuse. Et c’est justement l’une des clés de son développement, analyse le sociologue, Emmanuel Casajus : « La Cocarde a réussi à rendre cette extrême droite radicale présentable, à faire une de ‘branding’ qui lui permet d’exister au sein des universités. Là ou ça aurait été impossible avec une étiquette du Gud, Action Française ou identitaire. Si on regarde les typos utilisées, le logo qui ressemble à l’ancien logo de l’UMP, on va avoir l’impression qu’on a à faire à un syndicat étudiant de droite libérale… Il y a tout un discours qui ne trompe pas mais une apparence globale qui les rend vaguement présentables. »
Du côté du ministère de l’Enseignement supérieur, on affirme surveiller de près, comme d’habitude, les résultats aux élections étudiantes mais qu’il n’y a, à ce stade, pas de signaux d’alerte particuliers sur les campus.
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