Histoire. Retour sur une « bavure », le massacre de la rue Transonain

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Elle partage sa retraite entre Madaillan et Port-Sainte-Marie, mais son esprit vagabonde encore à Paris, où, agrégée, normalienne, Maïté Bouyssy est maître honoraire d’histoire contemporaine à la Sorbonne. Elle a notamment habité dans le quartier de la rue Beaubourg, autrefois appelée rue Transnonain, célèbre en son temps par une tuerie qui y fut commise dans un immeuble par des militaires, au cours d’une journée d’&é…

Elle partage sa retraite entre Madaillan et Port-Sainte-Marie, mais son esprit vagabonde encore à Paris, où, agrégée, normalienne, Maïté Bouyssy est maître honoraire d’histoire contemporaine à la Sorbonne. Elle a notamment habité dans le quartier de la rue Beaubourg, autrefois appelée rue Transnonain, célèbre en son temps par une tuerie qui y fut commise dans un immeuble par des militaires, au cours d’une journée d’émeute, le 14 avril 1834. Une coïncidence qui a amené l’érudite à mettre ce printemps un point final à un ouvrage sur lequel elle planche depuis vingt ans, « Rue Transnonain, 14 avril 1834, un massacre à la française » (1).

Le seul témoin de l’armée se trouvait à 200 km du massacre

« Pourquoi est-ce que l’on parlait de ce petit massacre dans le Mallet-Isaac (2), alors que son histoire était si synthétique ? J’ai beaucoup travaillé sur la mémoire, et son articulation avec l’image m’intéresse », explique l’auteure. Une image forte, en l’occurrence, celle d’une gravure de Daumier figeant cette tuerie, publiée en 1834, presque simultanément avec le manifeste de Ledru-Rollin : « Le texte et l’image s’élèvent contre le silence du pouvoir, au lendemain du massacre. »

La célèbre gravure de Daumier, illustrant la violence de ce fait divers.
La célèbre gravure de Daumier, illustrant la violence de ce fait divers.

« Sud Ouest »

Bavure ou acte volontaire ? Ce fait divers se produit sous le règne de Louis-Philippe, dans une ambiance de plus en plus répressive. « Pour juguler la propagande républicaine, le gouvernement fait alors voter une série de lois qui soumettent la profession des crieurs publics et marchands de journaux ambulants à une autorisation toujours révocable, interdisent les associations politiques et défèrent devant la chambre de Paris les complots contre l’État. »

Un “procès-monstre”

Le 9 avril 1834, Lyon s’embrase, suivie par la capitale les 13 et 14 avril. Ce dernier jour, un officier est blessé près d’une barricade, rue Transnonain. Le tir serait parti d’un immeuble, sitôt investi par les militaires qui y étripent une douzaine de personnes. « Il y a eu la création d’une tension, un sentiment d’impunité qui ont construit la bavure. Ce jour de 1834 est le tournant de ce qu’on appelle l’illibéralisme français. » Une période où l’on retrouve Thiers aux commandes, où reviennent aussi d’Algérie un certain général Bugeaud et des militaires à la brutalité avérée, dont le 35e de ligne, déjà coupable de massacres à Blida (Algérie, 1830) et Grenoble (1832).

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Ce quartier était réputé émeutier, l’immeuble pris pour cible abritait de surcroît à l’étage un théâtre bourgeois (privé), autrefois appelé « Théâtre de l’émancipation » : de quoi le désigner pour cible. Paradoxalement, « la tuerie s’est arrêtée lorsque des soldats se sont retrouvés face à des actrices, encerclées sur la scène de ce théâtre », a découvert Maïté Bouyssy.

Un “procès-monstre” a suivi ce massacre, traînant en longueur, « où le seul militaire que l’armée a fait témoigner était un officier qui se trouvait ce jour-là à 200 km du massacre ! C’était la langue du pouvoir, la langue de bois. » Aucun soldat ou responsable politique ne sera condamné, mais le massacre de la rue Transnonain ne sera éclipsé que par ceux de la Commune. Il ne perdurera guère après que figé, comme la lithographie de Daumier dans les manuels de lycée.

(1) « Rue Transnonain, 14 avril 1834, un massacre à la française », Éditions Lambert-Lucas, 288 pages, 30 euros.

(2) Une collection de manuels d’histoire.

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