Hydrogène naturel dans le sous-sol béarnais : une promesse « qui a un grand avenir

, Hydrogène naturel dans le sous-sol béarnais : une promesse « qui a un grand avenir

Une grande première en France, que soulignait encore Emmanuel Macron à la mi-décembre, le président de la République encourageant à ne pas laisser dormir cette ressource sous nos pieds.

La rédaction vous conseille
La rédaction vous conseille
La rédaction vous conseille

Aujourd’hui, tous les regards se tournent donc vers la Lorraine, où a été repéré un possible énorme gisement, et le Béarn, où une seconde demande de permis émanant de 45-8 Energy et Storengy (filiale du Groupe Engie) est en cours d’instruction.

En ce début d’année qui se veut ainsi très prometteur, nous avons interrogé une spécialiste du sujet : Isabelle Moretti, chercheuse à l’Université de Pau Pays de l’Adour et Sorbonne-Université, vice-présidente du pôle énergie de l’Académie des technologies.

D’où vient cet hydrogène natif dans les Pyrénées ?

Il vient essentiellement de l’eau. L’eau qui entre en contact avec des roches riches en fer et qui vont s’oxyder et libérer de l’hydrogène. Cette réaction, dénommée serpentinisation, s’accompagne aussi de l’hydratation de ces roches qui n’avaient jamais vu d’oxygène et cela change leur volume, en créant de la microsismicité. On l’enregistre actuellement dans les Pyrénées.

La réaction se fait tous les jours. Cela se déroule à 10 kilomètres sous la surface, puis l’hydrogène remonte et parfois s’accumule dans des poches depuis des centaines de milliers d’années. On constate aussi des émanations en surface.

Peut-on imaginer de grosses quantités d’hydrogène dans le sous-sol béarnais, ou plus largement pyrénéen ?

Il y a énormément d’indices très favorables. Tout en sachant que c’est une ressource qui se régénère constamment. Au Mali par exemple, premier pays à exploiter un gisement d’hydrogène naturel, depuis qu’ils produisent, la pression n’a jamais baissé. Ce qui veut dire que le puits se recharge tout le temps. Toutefois, tant qu’on ne forera pas, on ne saura pas le potentiel du sous-sol pyrénéen.

Est-ce que la découverte d’hydrogène naturel peut être aussi révolutionnaire pour le Béarn que celle du gaz de Lacq ?

Lacq était un énorme gisement de gaz naturel. Pour l’hydrogène, nous n’avons pas encore de certitude sur les quantités. Mais doit-on d’ailleurs rester sur ce même schéma d’exploitation d’énormes gisements pour ensuite transporter l’énergie en tirant des gazoducs pour tout un pays voire davantage ?

Alors que le transport de l’hydrogène, pour l’instant, est plus coûteux que celui des hydrocarbures, ce serait plutôt le bon moment de raisonner en circuits courts de l’énergie, avec une utilisation locale de la ressource. À ce moment-là, la quantité ne sera plus la question centrale, si elle répond déjà aux besoins du Béarn ou de la Nouvelle-Aquitaine.

Cependant, ce sera effectivement très positif si, à côté de l’hydroélectricité et du biogaz, on produit ici une autre énergie primaire qui peut être aussi un carburant.

Isabelle Moretti, chercheuse à l’UPPA et à Sorbonne-Université, vice-présidente du pôle énergie de l’Académie des technologies.
Isabelle Moretti, chercheuse à l’UPPA et à Sorbonne-Université, vice-présidente du pôle énergie de l’Académie des technologies.

Marc Zirnheld

Est-ce que l’exploitation de l’hydrogène natif a un grand avenir ?

Oui. Cela va dans le sens de l’Histoire. C’est une nouvelle ressource décarbonée. Pour la France qui est entièrement dépendante du reste du monde pour son énergie, c’est une très bonne nouvelle. Au su du fait qu’il n’y a quasiment pas besoin d’eau et d’énergie pour le produire, l’hydrogène natif a un grand avantage par rapport à celui produit par exemple par des électrolyseurs connectés aux éoliennes qui tournent même quand cela ne sert à personne. Avec l’hydrogène naturel, on peut ajuster la production aux besoins, ouvrir le robinet quand il faut, c’est ce qu’ils font au Mali.

Y-a-t-il des solutions de stockage pour l’hydrogène ?

Si on l’emploie localement, il n’y a pas de souci : on pourra sans doute adapter la production à la consommation. Sinon, on peut stocker cette petite molécule dans des cavités salines, il y en a dans la région. Les industriels et transporteurs comme Teréga ont aussi un savoir-faire pour le stockage. En surface, comprimé dans des bonbonnes il peut aussi être stocké mais en plus petite quantité.

Quels sont les pays les plus avancés sur l’hydrogène naturel ?

En termes de recherches et publications scientifiques, la France. Sinon, on l’a dit, le Mali est le premier et seul pays aujourd’hui à exploiter de l’hydrogène naturel qu’il a découvert par hasard en cherchant de l’eau. Ils ont des puits et il y a un gros potentiel mais ils n’ont pas embrayé sur une production massive car le pays connaît d’autres problèmes.

Les Etats-Unis et l’Australie sont deux autres pays qui ont adapté leur loi minière pour chercher de l’hydrogène natif. En Australie, ils ont foré de premiers puits en septembre et novembre et déjà une trentaine de permis ont été délivrés. Les demandes y sont traitées plus rapidement que chez nous.

La rédaction vous conseille

L’hydrogène naturel est étudié depuis des années. Pourquoi il apparaît seulement maintenant comme une ressource idéale ?

À l’époque des premières publications scientifiques, il n’y a pas eu d’impact car il n’y avait pas vraiment de marché pour l’hydrogène. Puis on s’est intéressé aux énergies décarbonées et souvent intermittentes. Et l’hydrogène est apparu d’abord comme un bon vecteur pour les stocker. Mais l’économie de ce système s’est révélée difficile à atteindre.

L’hydrogène naturel, comme source d’énergie, est revenu sur le devant de la scène avec les débuts de la production au Mali, montrant que c’est une solution intéressante, décarbonée et moins chère. Il y a eu un alignement des planètes et cette ressource n’a plus seulement intéressé les géologues. Surtout depuis qu’on veut développer la mobilité hydrogène.

Le fait que plusieurs permis ou demandes, comme en Béarn, sortent, c’est plutôt bénéfique ou cela peut tourner à une concurrence néfaste ?

C’est plutôt positif. Cela aide à développer un écosystème, un savoir-faire local. Cela peut aussi réduire les coûts. Pour forer par exemple, un rig est nécessaire. Mais ce type d’appareils, s’il y en a 2000 aux Etats-Unis, en Europe il n’y en a qu’une quinzaine. Quand vous le commandez et qu’il doit venir de loin, ça coûte beaucoup plus cher et vous pouvez l’attendre deux ans. Alors que s’il y a plusieurs clients au même endroit, ça peut faciliter les choses.

Comment produira-t-on de l’énergie avec de l’hydrogène naturel et cette production le sera-t-elle à un prix raisonnable ?

De grands équipementiers commencent à sortir des turbines à gaz spécialement pour l’hydrogène. Selon sa qualité, l’hydrogène pourrait également être utilisé directement dans une pile à combustible. Mais je ne suis pas certaine qu’on utilisera l’hydrogène naturel pour faire de l’électricité en France. Ce sera davantage pour la chimie (la moitié de l’hydrogène aujourd’hui sert à faire des engrais) et pour les mobilités.

Quant au prix, à cette heure, l’hydrogène le moins cher est celui produit avec du méthane : 2 dollars par kilo qui se composent pour un tiers le prix du gaz, un tiers le coût de l’énergie pour le chauffer à 800°C et un tiers pour la purification du gaz final. Avec l’hydrogène naturel, on éviterait l’étape intermédiaire. Certains optimistes parient sur 1 dollar le kilo. Ce qui est sûr, c’est qu’il sera toujours moins cher que le moins cher actuel. Mais le prix du transport, si le client est loin, peut jouer.

Est-ce que l’hydrogène naturel (son extraction, son exploitation) présente des risques ?

Il y a toujours ce vieux fantasme sur le sous-sol faisant croire à certains que son exploitation serait mauvaise. Mais si on regarde l’impact environnement et l’analyse du cycle de vie d’un hydrogène naturel produit en France, il est infiniment meilleur que toutes les autres énergies qu’on emploie. S’il devait y avoir des oppositions, elles devraient plutôt venir des partisans du pétrole ou du nucléaire que des écologistes.

Ensuite, ce gaz incolore, inodore, sans saveur et très léger possède une tranche d’explosivité assez large. En cas de fuite, si c’est en extérieur, c’est invisible et normalement sans conséquence, mais il ne faut pas qu’il y ait un toit au-dessus de la fuite, sinon c’est l’explosion. Cependant, les industriels savent déjà très bien produire, stocker et utiliser ce gaz en évitant les accidents. Cela fait 150 ans qu’ils le font.

Le permis « Sauve Terre H2 » présenté aux élus le 19 janvier

Même si le projet a déjà été présenté à certains élus et aux services de l’Etat début 2023, TBH2 Aquitaine, désormais titulaire du premier permis de recherches de mines pour l’hydrogène naturel, reviendra en ce mois de janvier en Béarn des Gaves pour exposer ses ambitions et la marche à suivre dans les prochaines semaines. Cela se déroulera précisément le 19 janvier, dans le cadre d’une réunion de la communauté de communes du Béarn des Gaves dans la salle de Guinarthe-Parenties à 18h30. En effet, rappelons que c’est sur ce territoire, entre Béarn des Gaves et Soule, que les travaux exploratoires se feront. Le permis couvre une zone de 225 km2 et concerne 43 communes.

En vallée d’Ossau, on aimerait prendre le train en marche

Plusieurs recherches ces dernières années avaient ciblé le potentiel d’hydrogène naturel dans le sous-sol béarnais. En particulier dans le piémont, quand une équipe Géosciences de Total Pau et des universitaires de Pau, Toulouse et Grenoble avaient élaboré une méthode nouvelle d’exploration.

Aujourd’hui, le permis de recherches accordé et celui encore en instruction se concentrent sur des communes plutôt situées, d’ouest en est, en Soule, en Béarn des Gaves, jusqu’à venir à Oloron. Mais rien en vallée d’Ossau. « Or il y a un potentiel » affirme Alain Sanz, maire de Rébénacq et président des maires du 64. Il en a reçu la confirmation récente à l’UPPA.

L’élu aimerait donc bien qu’on vérifie s’il y a aussi un gisement exploitable sous les pieds des Ossalois. Dans le cadre actuel, ce n’est pas possible, « pas avant deux ans m’a-t-on répondu » déplore le maire. Mais pas de quoi le décourager.

« Rébénacq est l’une des rares communes à ne pas faire partie du Parc national des Pyrénées. On pourrait y faire des recherches plus facilement, d’autant que nous avons aussi des carrières. Et y faire des forages ne serait pas un souci » affirme Alain Sanz.

À Rébénacq, le maire Alain Sanz estime qu’il serait aisé de sonder le terrain, notamment dans les carrières de la commune.
À Rébénacq, le maire Alain Sanz estime qu’il serait aisé de sonder le terrain, notamment dans les carrières de la commune.

Archives Marc Zirnheld

C’est pourquoi il a, depuis quelques semaines, passé quelques coups de fil, afin de pousser à la roue. Cela se traduira par une première réunion avec l’UPPA, la préfecture et Teréga, pour évoquer le sujet, le 18 janvier prochain.

Alain Sanz, après les déclarations d’Emmanuel Macron à Toulouse (notre article paru le 14 décembre), a même écrit au chef de l’Etat. On lui a répondu que son dossier était transmis à la ministre Agnès Pannier-Runacher.

Cette chronique est reproduite du mieux possible. Si vous désirez apporter des explications sur le sujet « Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne », vous avez la possibilité de d’échanger avec notre rédaction. Notre plateforme sorbonne-post-scriptum.com vous conseille de lire cet article autour du thème « Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne ». La fonction de sorbonne-post-scriptum.com est de rassembler sur le web des données sur le sujet de Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne et les diffuser en répondant du mieux possible aux interrogations des gens. En consultant régulièrement nos pages de blog vous serez au courant des prochaines publications.