« Le film s’éloigne de la vision Mériméenne, c’est un pas supplémentaire dans le regard porté sur l’île »
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Le documentaire sur la Corse « Île de lumière » coproduit par Marcel Pagnol a été restauré
Vous avez écrit une monographie sur le film-documentaire Île de Lumière, réalisé en 1951. En quoi consistait l’exercice ?
C’est un travail de recherches qui a débuté avant même la restauration. L’étude d’une œuvre fait partie de sa valorisation. Pour ça, je me suis rapproché de Nicolas Pagnol, l’ayant droit des œuvres de son grand-père – ce qui nous a d’ailleurs permis de lancer le projet – mais je suis aussi allé poser des questions aux descendants du réalisateur, des compositeurs, etc. J’ai bien sûr continué avec l’étude de l’œuvre en elle-même en utilisant les témoignages qui permettent une analyse plus juste.
Justement, que nous apprend ce film sur la société corse d’après-guerre ?
D’abord, il faut dire qu’il ne s’agit pas d’un documentaire comme on l’entend aujourd’hui. Il n’y a pas de discours sociologique. C’est plutôt un témoignage ethnographique romancé, qui caresse l’exotisme. La Corse est toujours associée à la mémoire de Napoléon Bonaparte mais ce film a tout de même quelque chose d’innovant : il fait l’éloge des pratiques artistiques insulaires et les positionne comme constitutives d’une identité culturelle. La Corse présentée ici s’éloigne de la vision mériméenne, il n’est pas question de vendetta par exemple. Ici est accordée une importance particulière aux pratiques quotidiennes des Corses et aux arts musicaux insulaires, ce qui est une différence, un pas supplémentaire dans le regard porté sur l’île et sa population à l’époque.
Ce documentaire contient aussi des images assez rares, notamment de l’usine de Canari…
Oui, le documentaire s’inscrit dans une période de bascule entre la société traditionnelle, ses pratiques, sa culture et l’apparition des nouvelles technologies et industries. Le film en fait d’ailleurs la promotion mais les réalités sociales inhérentes aux ouvriers de l’époque et leurs difficultés sanitaires ne sont absolument pas prises en compte. Quant à ces images, effectivement assez rares, c’est un bon exemple de la valeur du cinéma en tant que document historique. Il nous permet à la fois d’analyser ce qui est représenté mais aussi un point de vue, le regard porté par le réalisateur. En l’occurrence, ici, sur la société corse.
Il y a le regard du réalisateur mais aussi celui des producteurs, dont Marcel Pagnol. Quel était son lien avec la Corse ?
Il avait d’abord un lien de parenté avec son son coproducteur, Joseph Martinetti qui était son beau-frère. D’après les souvenirs de Paulette Baretti-Rosselli (la veuve de Francis Baretti, assistant réalisateur sur le tournage. C’est elle qui a fait don de la copie 16 mm du film à la cinémathèque, ndlr), la Corse avait marqué Pagnol par sa richesse en eau. Un sujet qui traverse ses préoccupations puisqu’en 1962 et 1963, il publie les deux tomes de L’Eau des collines, deux romans au travers desquels il traite des problématiques de sécheresse en Provence. Nous avons cependant une trace d’une venue de Marcel Pagnol en Corse, en 1962, lors de la seconde exploitation du film. Pour en savoir plus, il faudrait étudier les archives de presse traitant du documentaire dans les années 1950 et 1960.
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