Etudiante en master écophysiologie et écotoxicologie à Sorbonne Université, Manon voit la mission Bougainville comme « une occasion unique de vivre une expérience humaine et scientifique hors du commun », et de découvrir un univers qu’elle ne connaît pas, celui de la Marine nationale. Pour Thomas, étudiant en master sciences de la mer, « partir en mer pendant plusieurs semaines et pouvoir mettre en pratique mes connaissances dans un environnement inconnu est une excellente façon de me tester et de développer mon autonomie. La vie à bord me permettra aussi de rencontrer des gens d’horizons différents, qui partagent tous un intérêt pour le milieu marin».
Ces deux étudiants font partie des quatre jeunes sélectionnés pour participer à la mission Bougainville, dont le lancement officiel s’est déroulé le mardi 26 septembre à la station biologique de Roscoff (Finistère), à quelques jours du début de la mission. Ces étudiants en année de césure n’embarqueront pas à bord d’un navire d’exploration scientifique, mais de bâtiments de soutien et d’assistance d’Outre-mer (BSAOM) de la Marine nationale, le D’Entrecasteaux et le Champlain, premier et troisième de la série du programme BSAOM, respectivement basés en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion. Et ce, sous statut militaire.
Manon, Thomas, Mathilde et Hugo, les quatre premiers étudiants engagés dans la mission Bougainville.
Outil de collecte
Ces navires ont été spécifiquement conçus pour évoluer dans les grands espaces maritimes ultra-marins et assurer un très large panel de missions : surveillance et protection des territoires et intérêts français, assistance aux navires en difficulté et sauvetage en mer, lutte contre la pollution, projection de forces en appui de la police, de la gendarmerie et de l’Armée de terre, secours aux populations sinistrées après une catastrophe naturelle… Et, désormais, de la science et plus particulièrement la collecte de plancton, ce vaste réseau de microorganismes qui comporte entre 10 et 100 milliards d’êtres vivants par litre d’eau de mer et qui joue un rôle primordial dans le fonctionnement de l’océan et l’équilibre de notre planète.
Une dimension finalement pas si nouvelle pour la Marine. « L’amélioration de la connaissance de l’environnement marin est une démarche très ancienne », expliquait début 2022 à Mer et Marine le capitaine de corvette Thierry Strasser, commandant du Centre d’expertise météorologique et océanographique de la Marine (Centex Metoc), implanté à Brest (Finistère). « Au quotidien, nous collectons des données météorologiques et océanographiques pour les besoins de la navigation, pour nos opérations, mais aussi pour la protection de l’environnement, qui constitue un volet important de notre activité ».
Instruments frugaux
Ainsi, le collecteur à eau de mer Coryphène, le collecteur à plancton Diodon, le système de filtration semi-automatique Lamprey ou le microscope PlanktoScope s’ajoutent aux équipements habituels des BSAOM, et n’en perturberont pas le fonctionnement. Le Coryphène, par exemple, est un filet tracté disposé à l’arrière du bâtiment. Combiné au Diodon, qui permet de concentrer le microbiome océanique à partir de plusieurs mètres cubes d’eau prélevée à bord directement sous ou à l’arrière du navire, le système rend l’impact sur les opérations et la disponibilité de l’équipage minime. Cette option a été testée avec succès lors d’une phase d’essai à Brest, en novembre 2021, et confirmée lors d’un nouvel embarquement en février 2023.
Ces instruments dits « frugaux » sont le résultat du travail mené de longue date par Plankton Planet, consortium international né en 2015 incluant des chercheurs (Sorbonne, CNRS, Stanford, University of Maine), des marins (Fondation Tara Océan), et des « makers » (SeaLabX, PontonZ). Un consortium auquel la Marine nationale et l’Institut de l’Océan de l’Alliance Sorbonne Université se sont associés en 2021. Composé de six pièces, le kit d’océanographie frugale se veut simple à utiliser, peu coûteux, facile à obtenir et à mettre en œuvre. L’ambition de Plankton Planet est participative : l’objectif est de déployer ces capteurs sur de nombreux bateaux, voiliers, navires de commerce ou de pêche, afin que chacun puisse prendre part à la mesure du microbiome océanique, pour surveiller et comprendre la santé des océans.
Le Curiosity microscope fait partie des outils du « kit d’océanographie frugale ». Ce microscope numérique ultra-compact, modulaire et ludique permet d’observer, photographier et filmer les microbes marins, puis de partager les observations sur une plateforme.
Scientifiques, marins et médiateurs
En attendant, ce sont donc quatre étudiants qui s’apprêtent à utiliser les instruments et protocoles de Plankton Planet à bord de bâtiments de la flotte française, dans des zones lointaines rarement échantillonnées comme les océans Austral, Indien et Pacifique Central, sous le statut militaire de Volontaire Officier Aspirant Biodiversité (VOAB). A bord, ils auront donc une triple casquette : scientifique, marin (après une formation d’un mois à l’Ecole navale) et médiateur, via le partage des données recueillies avec les chercheurs et les universitaires locaux.
Une deuxième campagne est envisagée à partir de septembre 2024 et jusqu’en août 2025, avec six autres étudiantes et étudiants de Sorbonne Université, sur trois BSAOM. La campagne de recrutement est déjà ouverte.
– Voir notre article complet sur la mission Bougainville
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