Le philosophe Robert Misrahi est mort le 1er octobre, à 97 ans. Penseur de la joie et de la construction du bonheur pour soi et pour les autres, il a édifié, en surmontant des obstacles divers au fil d’un long parcours, une œuvre singulière dans le paysage intellectuel français de ces dernières décennies.
Rien, apparemment, ne le destinait à devenir un universitaire important, d’abord agrégé de philosophie et finalement professeur de philosophie morale et politique à la Sorbonne. Car la vie, pour commencer, ne l’avait guère favorisé. Né, le 3 janvier 1926 à Paris, de parents juifs turcs, il a connu, dans son enfance, plus de souffrances et de peurs que de sérénité : son père, ouvrier tailleur, est au chômage, sa mère est internée en psychiatrie, de nombreux membres de sa famille sont déportés et meurent dans les camps nazis.
Ce qui explique sans doute son engagement initial auprès des activistes sionistes du groupe Stern, qui le conduit à poser, en 1947, une bombe au Colonial Club, à Londres, qui fait des blessés dans ce cercle militaire. L’attentat lui vaut de se retrouver à la prison de la Santé, où il rédige une étude sur l’antisémitisme que publie Maurice Merleau-Ponty dans la revue Les Temps modernes. La lecture de L’Etre et le Néant, de Jean-Paul Sartre (Gallimard, 1943), lui avait déjà révélé la puissance de la philosophie.
Mouvement collectif
Sartre l’aide alors à financer ses études, et il obtient l’agrégation de philosophie en 1950. Robert Misrahi enseigne dans plusieurs lycées avant de devenir, en 1965, maître assistant à la Sorbonne, auprès de Vladimir Jankélévitch, qui sera son directeur de thèse. Il publie en 1969, chez Plon, le résultat de sa réflexion sous la forme d’un volume intitulé Lumière, commencement, liberté, où figurent les premiers axes de son œuvre à venir. Le mouvement central de sa démarche consiste à passer, par le retournement réflexif qui fonde toute philosophie, d’une moindre à une plus grande perfection. Individuel, ce mouvement est aussi collectif et permet d’instaurer ce que Misrahi nomme alors « la cité de la libre joie ».
Les décennies suivantes verront paraître une cinquantaine de livres de Robert Misrahi. Plusieurs d’entre eux sont consacrés à Spinoza, le philosophe qui l’a le plus inspiré, et qu’il interprétait à sa manière. L’auteur de l’Ethique (1677), texte dont il donne une nouvelle traduction française en 2005 (L’Eclat), l’accompagne tout au long de son existence. Son influence est présente dans ses autres ouvrages, tous consacrés à la question du bonheur, de sa possibilité, de son édification et de son perfectionnement. La seule grande affaire de l’existence, pour cet homme qui avait connu malheurs et souffrances, était d’être heureux, ce qui signifiait pour lui être libre, autonome et en relation avec les autres.
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