La Volte : vingt ans d’édition à contrevent.Poétiques et politiques de la science-fiction au XXIe s (Aubervilliers)

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, La Volte : vingt ans d’édition à contrevent.Poétiques et politiques de la science-fiction au XXIe s (Aubervilliers)

Colloque à l’université Sorbonne Paris-Nord, les 11 et 12 juin 2024.

Organisation : Christèle Couleau et Jean-Marc Baud

En partenariat avec le laboratoire Pléiade, Médialect, le FNRS et l’université de Namur.

Présentation de la Volte

La Volte est une maison d’édition française indépendante, fondée en 2004 par Mathias Échenay, en vue de publier le deuxième roman d’Alain Damasio, La Horde du Contrevent, devenu l’un des succès majeurs de la science-fiction française du XXIe siècle. À l’image de son auteur-phare, la Volte a développé une posture éditoriale originale qui mêle récits d’anticipation et réflexions critiques, expérimentations littéraires et prises de position politiques. Elle se situe à la jonction du champ de la science-fiction et de la littérature dite générale.

Présentation du colloque

À l’occasion des vingt ans de la création de la Volte, ce colloque sera consacré à l’histoire, au positionnement politique et esthétique de l’éditeur et de ses auteur.rices ainsi qu’aux lignes saillantes de son catalogue, qui compte aujourd’hui une centaine de titres où l’on croise les noms d’écrivain.es reconnu.es dans le domaine de la science-fiction et en dehors : Alain Damasio, Philippe Curval, Sabrina Calvo, Catherine Dufour, Ivan Jablonka, Antoine Volodine, Stéphane Beauverger, Jacques Barbéri, Léo Henry, luvan, L. L. Kloetzer, Norbert Merjagnan… Ce sera ainsi l’occasion de s’intéresser aux formes particulières que prend l’aventure éditoriale de la Volte : son engagement, son esprit collectif, sa politique d’inclusion, de diffusion et de traduction (Doris Lessing, Angelica Gorodischer, Karen Joy Fowler…), sa dimension transmédiale, son désir d’expérimentation et d’hybridation des genres et des segments éditoriaux.

Axes d’étude principaux

Les interventions de professionnel.les de l’édition et de chercheur.ses en littérature et en sciences humaines pourront notamment porter sur les enjeux suivants :

1.     Histoire, positionnement et posture de La Volte

–       Quelles sont les principales étapes de ces vingt ans d’aventure éditoriale ? Quels sont les projets, les succès mais aussi les échecs qui ont déterminé cette histoire ? Quelles rencontres, quelles orientations successives ont modulé son évolution ? 

–       Comment se situe La Volte dans le paysage éditorial français ? Quelles parentés, quels écarts avec des maisons d’édition françaises ou étrangères permettent de préciser son positionnement ? Quelle reconnaissance médiatique est accordée à La Volte ? Comment l’ambition de son projet littéraire « jusqu’au-boutiste[1] » est-il perçu ? 

–       Quelle identité La Volte a-t-elle réussi à se créer ? Dans quelle mesure le choix du nom (tiré du premier roman d’Alain Damasio) se voulait-il programmatique ? Quelle image se dégage de sa manière de communiquer, et notamment de son site internet (très « enrichi » – actualités, agenda – et éditorialisé) ? Peut-on parler d’éthique éditoriale ? d’édition engagée ? 

–       Comment être à la fois la maison de l’auteur de science-fiction français le plus populaire aujourd’hui, et une structure économique de petite taille, qui publie au rythme d’environ sept titres par an ? Qu’implique le maintien d’un imaginaire artisanal et volontiers communautaire, construit autour des « volté.e.s » qui viennent « prêter main forte pour faire tourner la maison[2] » ?

–       Quelle famille élargie entoure La Volte ? Quel est le rôle des « Encombrants » ? Quels sont les liens avec le collectif Zanzibar ? Quels partenariats sont tissés avec des librairies (Le Rideau Rouge), des festivals, des radios (Blast, Radio Parleur), des scènes ouvertes (Mange tes mots), des théâtres (carte blanche au théâtre du Rond-Point) ? Comment ces réseaux et ces effets de circulation éclairent-ils les objectifs et les pratiques de la maison d’édition ?

–       Quelle est la sociologie des auteur.rices, leur parcours éditorial ? Quels rapports entretient la maison d’édition avec la pratique des fan fictions ?

Ces enjeux pourront être analysés en termes d’implications sociologiques, économiques, médiatiques, communicationnelles et de sociabilités amicales et professionnelles.

2.     Ligne(s) éditoriale(s), théorie et pratique

–       Une ligne éditoriale se dégage-t-elle des choix effectués par les éditions de la Volte depuis 2004 ? Après vingt ans d’existence, peut-on identifier des saillances, des lignes de fond, des motifs dans ce catalogue constitué, selon les mots de son fondateur, de « fictions volontiers inclassables, créations iconoclastes et parfois expérimentales[3] » ? Ce catalogue fait-il corpus ?

–       Si cette ligne semble résulter de l’ambition de croiser « les littératures de l’imaginaire, en particulier la science-fiction, et la littérature dite “blanche[4]” », comment ce double positionnement est-il assumé par la maison d’édition ? Quelles difficultés représente-t-il et quels bénéfices (symboliques, économiques) peut-elle en tirer ? Cela pose-t-il des problèmes spécifiques (prix littéraires, prescription, distribution) ? Quel rapport à la littérature dite « légitime » ce positionnement instaure-t-il ? Est-ce un moyen de sortir de la « littérature de niche », ou une façon d’en changer les paramètres ? Comment le concept de « transfiction », proposé par un auteur qui a publié à La Volte, Francis Berthelot[5], s’incarne-t-il dans ce catalogue ? 

–       D’après Alain Damasio, « autour de La Volte, et par La Volte, quelque chose a pris, s’est constitué… ça pourrait presque être une école de science-fiction et d’anticipation française[6] ». Au-delà de l’identité très forte de chacun de ses auteurs, La Volte abrite-t-elle un, ou plusieurs, mouvements littéraires ? Quelles synergies se sont nouées, quels modèles ont émergé, quels dénominateurs communs se dégagent ?  

–       Dans quelle mesure les désignations régulièrement accolées à son nom, comme « SF », « Soft SF », « SFFF », « SF francophone », « littératures de l’imaginaire », « transfictions », « littérature liminale », « intersticielle », « science-fiction poétique et politique », « auteurs engagés », « fiction spéculative » sont-elles éclairantes (ou pas) pour explorer ce corpus ? Quels phénomènes d’émergence ou d’hybridation génériques peut-on observer, proposant des effets de recomposition ou de décentrement de ce champ littéraire ?

–       Du point de vue des pratiques éditoriales : comment, du manuscrit au livre, s’effectue le travail entre auteurs et éditeurs ? Quelles sont les processus, les modes de discussion, de reprise et d’ajustement du texte entre ces deux instances ? Cet axe permettra aussi d’analyser le « geste éditorial[7] » de la Volte, et en particulier les choix techniques et graphiques : couvertures, formats, mises en page, mais aussi innovations concernant la typographie (Les Furtifs d’Alain Damasio notamment) ou la police d’écriture (Agrapha de Luvan, par exemple). 

–       La notion de « livre-objet » pourrait être interrogée. Dans sa plus stricte matérialité, elle met en avant la complémentarité entre le travail des écrivain.es et celui des illustrateur.rices, typographes, maquettistes qui accompagnent le projet. Elle place également le livre à la jonction de plusieurs arts, et de plusieurs supports – plusieurs ouvrages sont ainsi accompagnés d’une bande originale sur CD. 

–       Une perspective transmédiale apparaît aussi dans de nombreux dispositifs prolongeant les livres : créations sonores et numériques, jeux, spectacles et performances ou encore podcast (Volutes) et émissions consacrées à la science-fiction (Planète B). Comment ce souci de diversification, et ce désir de faire vivre les œuvres hors du livre s’accommodent-ils d’une politique de droit d’auteur et nourrissent une stratégie éditoriale ?

3.     Laboratoire poétique et politique

Le souhait de concevoir la science-fiction comme un espace d’expérimentation littéraire et politique invite à s’interroger sur les modalités de ce nouage ou de ce « langagement[8] », pour reprendre une expression revendiquée par la Volte, qui n’est pas sans rappeler certaines pratiques avant-gardistes du XXe siècle. Si cette ambition se manifeste particulièrement dans l’œuvre et la posture d’Alain Damasio – que le colloque aura à cœur d’étudier de près – elle innerve l’ensemble du catalogue de la Volte. 

Il pourra ainsi s’agir d’étudier les enjeux et les objets de ces positionnements politiques de l’éditeur et de ses auteur.rices (mobilisations sociales, luttes écologiques et numériques, revendications liées au genre, à l’identité linguistique ou culturelle…) et d’en interroger les formes et les manifestations, à la fois dans et hors des livres : 

–       Poétiques et motifs de la révolte, de l’engagement ; féminisme, écopoétique ; question des stéréotypes, de l’idéologie, du roman à thèse ; 

–       Question de l’anticipation et de son ancrage dans le présent ;

–       Recueils de nouvelles conçus comme des laboratoires de réflexion et de création sur des enjeux sociaux (le travail, la santé, la ville) ; dystopie et utopie (lancement de la collection Eutopia) ;

–       Manifestes, rôle du paratexte dans l’explicitation des enjeux ; 

–       Dispositifs d’écriture collective et collaborative ; 

–       Partenariats avec des médias et des librairies militant.es, prises de position publiques, parfois polémiques, dans le champ politique ou culturel. Éditorialisation de la communication (événements, presse, site). 

On pourra aussi s’interroger sur la dimension expérimentale de l’écriture, largement présente dans les textes publiés par La Volte (caractéristique accueillie, attendue, suscitée par la maison d’édition ?), et qui s’y déploie de manières très diverses :

–       Les cadres génériques sont mis en question, détournés, hybridés (post-apo utopique dans Mondocane, de Jacques Barbéri ; chapitres-chansons dans Intrabasses, de Jeff Noon, aventures maritimes et SF dans Le Déchronologue, de Stéphane Beauverger, voire « un nouveau genre, celui de l’alpinisme d’anticipation » avec Apocalypse blanche, de Jacques Amblard). La notion de « recueil » pourrait aussi être explorée.

–       Les phénomènes de réécriture littéraire sont fréquents (Ovide dans Sirène, Debout de Nina MacLaughlin, Lewis Carroll dans Alice automatique de Jeff Noon ou Narcose, de Jacques Barbéri), tissant aussi des liens avec le conte, le mythe, les textes sacrés (Agrapha) ;

–       Certains auteurs poussent loin les pratiques d’écriture à contraintes, créent des protocoles, des jeux (livraisons mensuelles de nouvelles pour Cent vingt, de Léo Henry ; « interpolations topographiques » de luvan dans Splines, qui contient aussi un jeu de rôles cosigné avec Léo Henry).  

–       Il se joue quelque chose autour de la matérialité de la langue – styles, idiolectes,  mais aussi effets de recyclage (Léo Henry, Cent vingt), attention portée à la pâte linguistique, hybridée de langues étrangères, anciennes (luvan, Agrapha), de créole (Michael Roch, Tè Mawon), nourrie de néologismes (Alain Damasio, La Horde du Contrevent, luvan, Splines), s’approchant d’un langage inclusif, neutre (Li-Cam, Visite), portée par l’écriture manuscrite (luvan), la typographie et le rythme (Alain Damasio, Les Furtifs)…

–       L’écriture de la science-fiction est traversée par des inspirations et des tonalités très diverses – utopique, onirique, surréaliste, punk, poétique, policière, fantastique, mythologique, etc. En quoi ces tentatives s’inscrivent en écho à d’autres courants de ce domaine littéraire ? En quoi contribuent-elles à remodeler, décentrer, ouvrir l’écriture SF ?

–       À rebours des « page-turner » à l’écriture lisse, l’ambition stylistique constitue un dénominateur commun des ouvrages publiés par La Volte : outre le travail de la langue, des poétiques complexes sont mises en œuvre, concernant les modalités de la narration, la fragmentation des récits, la construction des personnages. Ces textes, parfois estampillés « roman exigeant » par la maison d’édition, et reçus par la critique comme denses, complexes, demandant de « lâcher prise » ou de « réfléchir », trouvent-ils facilement leur lectorat ? Et inversement, en constituant année après année ce catalogue, quels lecteurs s’agit-il de construire ?

Le colloque souhaite privilégier les approches synthétiques plus que les monographies. Si les œuvres et les auteurs de la Volte sont au cœur de ce colloque, les communications proposant de les mettre en perspective au sein d’un corpus élargi afin de permettre une saisie plus globale du champ de la science-fiction et de ses enjeux politiques depuis le début du XXIe siècle seront également les bienvenues.

Les propositions de communication (1500 signes) devront parvenir aux deux adresses suivantes : Jean-Marc Baud (jmarcbaud@gmail.com) et Christèle Couleau (chr.couleau@gmail.com) avant le 31 décembre 2023.

  Notes:
[1] Mathias Echenay, entretien pour Le Cafard cosmique, cité par Richard Comballot dans Clameurs. Portraits voltés, La Volte, 2014.
[2] Camille Larbey, « La Volte. La littérature comme une science-fiction (entretien avec Mathias Echenay) », Gonzai.com, septembre 2016 : https://gonzai.com/la-volte-la-litterature-comme-une-science-fiction/#_ftn1
[3] Mathias Echenay, « Manifeste », Lavolte.net, 2019 : https://lavolte.net/mathias-echenay-manifestes-des-15-ans/
[4] « À propos », Lavolte.net : https://lavolte.net/a-propos/.  
[5] Francis Berthelot, Bibliothèque de l’Entre-mondes. Guide de lecture, les transfictions, Folio SF, 2005.
[6] Alain Damasio, entretien pour la revue Tête-à-tête, 10, Nous vivants, Rouge profond, 2022.
[7] Brigitte Ouvry-Vial, « L’acte éditorial : vers une théorie du geste », Communication et langages,154, L’énonciation éditoriale en question, 2007, p. 67-82.
[8] Mathias Echenay, « Manifeste », op. cit.

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