Nouveau patient de Berlin, Doxy-PreP, le « miraculeux » lénacapavir… Gilles Pialoux présente une sélection des présentations marquantes d’un 25e congrès international sur le SIDA « haut en couleurs».
TRANSCRIPTION
Bonjour je suis Gilles pialoux, professeur de maladies infectieuses à l’hôpital Tenon et à Sorbonne Université. Je suis ravi de vous retrouver sur Medscape pour faire un point estival sur un congrès tout autant estival qui est celui de l’International AIDS Society, le plus grand congrès mondial sur le SIDA qui s’est tenu du 22 au 26 juillet à Munich, en Allemagne.
Une séance d’ouverture « haute en couleur »
Ce congrès couvre à la fois les aspects scientifiques, communautaires et social. 15 000 personnes étaient attendues. Nous avons eu une séance d’ouverture haute en couleurs avec deux actrices et présentatrices de la scène publique, une allemande, Annabelle Mandeng, et une ukrainienne, Vira Brezhneva. On se serait cru un peu au Festival de Cannes pour les tenues vestimentaires, mais au-delà de leur participation à la culture de leur pays respectif, ces deux activistes sont très importantes dans la lutte contre le sida, notamment l’actrice ukrainienne qui est ambassadrice de UNAIDS pour la région Est et Asie centrale. Une cérémonie d’ouverture haute en couleurs également avec Sharon Lewin (présidente de lAS) qu’on ne présente plus et qu’on voit souvent au congrès de la CROI.
On notera de cette cérémonie, la première participation d’un homme transgenre à une cérémonie d’ouverture d’un congrès SIDA, tous congrès confondus : un homme transgenre militant LGBT d’Ouganda qui s’estime à juste titre doublement en danger en tant que personne vivant avec le VIH et en tant que personne trans. Son nom est Jay Mulucha et il a exhorté à ne pas laisser les personnes transgenres sur le côté du chemin.
Actuellement 77% des personnes vivant avec le VIH dans le monde sont sous antirétroviraux et c’est un progrès de +30% en 9 ans.
Côté politique, outre l’apparition du chancelier Olaf Scholz , on notera l’intervention de la directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima , qui a rappelé le progrès de couverture des traitements antirétroviraux. On est actuellement à 77% des personnes vivant avec le VIH dans le monde qui sont sous antirétroviraux et c’est un progrès de +30% en 9 ans.
Un nouveau patient de Berlin
Côté contenu, cette conférence internationale a eu évidemment ses scoops. C’est la 2e fois qu’il y a cette conférence internationale en Allemagne, il a fallu 3 décennies pour passer de Berlin à Munich. Les Allemands aiment bien les guérisons fonctionnelles, les cures, et donc on a eu droit au « nouveau patient de Berlin« , 2e patient de Berlin, 7e cas de rémission fonctionnelle du VIH. La particularité qui a été présentée par notre collègue Christian Gaebler de l’hôpital de la Charité à Berlin, est qu’on a comme toujours un patient avec une hémopathie maligne qui a une greffe de cellules souches. [1] Les chercheurs ont pris un donneur et c’est ce qui fait l’originalité de ce nouveau cas de guérison fonctionnelle qui est avec une délétion, une monodélétion et non pas une double délétion sur le gène delta 32 codant pour les récepteurs CCR 5. Alors pourquoi est-ce intéressant ? Il y a 5 ans de recul, c’est à la fois beaucoup et un peu tôt pour dire qu’il y a une guérison totale. Mais c’est vrai que la prévalence de ces délétions monozygotes sont beaucoup plus importantes dans la population générale, autour de 16%, alors que pour avoir une double délétion dans le delta 32, on est probablement à 1%.
Nouvelles données sur le DoxyPreP
Côté prévention ― car c’était quand même une conférence sur la prévention ― on est passé à une dimension différente. On avait avec la CROI, la ratification de la doxycycline en prévention post exposition. Et maintenant ? Des études, certes modestes, s’attaquent au concept de Doxy-PreP, c’est-à-dire de prophylaxie pré exposition avec la doxycycline pour les différentes infections sexuellement transmissibles (IST). Il y a eu 2 études présentées, une de Doxy-PreP au Canada sur 52 hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes avec des odd ratios de prévention des IST tout à fait conséquents : 79% pour la syphilis, 92% pour les chlamydias, 78% pour les gonorrhées ― donc une prévention globale de 80% avec un concept qui mérite d’être étudié dans des plus grandes études.[2,3]
Et une autre étude de Doxy-Prep menée au Japon et qui est tout à fait intéressante parce que cette fois-ci c’est chez les femmes (40 femmes travailleuses du sexe à Tokyo). Et là aussi, on observe des odd ratios autour de 70 ou 65%, mais un peu moins important que chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.
Le lénacapavir : un outil « miraculeux » ?
Selon une analyse préliminaire, le lénacapavir serait un outil « miraculeux ».
Le 2e scoop entre guillemets, mais qui avait déjà été annoncé par Gilead, c’est l’utilisation du lénacapavir, ce nouvel inhibiteur de la réplication du VIH qui inhibe la capside.[4] Il est développé en injectable semestriel. On a eu les données qui ont été produites par l’équipe du Desmond Tutu HIV Center, au Cap, avec une efficacité de 100%. C’est vrai que c’est assez spectaculaire puisqu’on avait 0 infection dans le groupe lénacapavir en injection tous les 6 mois, 39 infections dans le groupe qui recevaient du FTC avec du denofovir, et 16 infections dans le groupe qui recevait du ténofovir classique. Donc cette analyse, certes préliminaire, montre un outil entre guillemets « miraculeux ». Qui dit outil miraculeux dit engagement communautaire, notamment pour que ce produit qui est très coûteux (on parle de 40 000$ par an aux États-Unis) soit mis à disposition assez rapidement ; il y a d’ailleurs une poussée très forte pour cette mise à disposition.
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