Liêm Hoang-Ngoc : « Non, le chômage n’est pas la faute à l’État-providence »

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Chacun connaît l’adage populaire « quand on veut abattre son chien, on dit qu’il a la rage… » À cet égard, on connaissait la thèse de la crise de l’État providence, inventée par la gauche girondine (Pierre Rosanvallon, La crise de l’État providence, Seuil, 1981) pour dénigrer l’égalitarisme du modèle jacobin, présumé coûteux et incapable de réduire les inégalités. Cette thèse ne résiste pas à l’observation empirique. Malgré la « rigueur » dont il est tributaire, l’État social s’avère particulièrement efficace en France, comme le montre l’INSEE : alors que l’écart de revenus entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches serait de 1 à 18 en l’absence de transferts sociaux, il n’est plus que de 1 à 3 après redistribution.

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Mais voilà que l’État-providence est désormais désigné comme la cause des maladies chroniques du XXIe siècle : la dette publique et du chômage de masse. Lors de la promotion de son dernier ouvrage, faite dans une matinale radiophonique, le ministre des Finances Bruno Le Maire soutenait ainsi que l’État providence s’avère incompatible avec la réalisation d’un objectif de plein-emploi inférieur à 7 %. Les dépenses sociales creuseraient non seulement la dette publique, mais entretiendraient, de plus, une armée de chômeurs-assistés désertant le front de la production.

Un État trop généreux ?

Selon cette thèse, le chômage n’est pas dû à la désindustrialisation consécutive aux délocalisations organisées par des groupes contrôlés par des holdings financières dont l’unique objectif est de créer de la valeur pour l’actionnaire. Il n’est pas la conséquence des politiques d’austérité, coordonnées par un stupide Pacte de stabilité, dont l’Allemagne, avec la duplicité de la France, a refusé l’assouplissement que proposait pourtant la Commission européenne pour favoriser les investissements en faveur de la transition écologique. Il n’est pas plus dû au relèvement des taux d’intérêt, opéré par la BCE pour contrer une inflation dont l’origine n’est pourtant pas liée à un excès de création monétaire, et ce, alors que sévit une crise du logement. Non ! Pour le ministre en charge de l’économie française, la cause de la persistance du chômage de masse est la générosité de l’État providence, qui pousserait des millions de chômeurs à préférer le loisir. Pour les inciter à travailler, le Premier ministre Gabriel Attal annonçait dans la foulée que la durée des allocations-chômage serait abaissée (de 18 à 12 mois, suggérait-il même aux négociateurs de la future convention), après que leur montant ait déjà été réduit par la précédente réforme.

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Le « fond tiroir » ainsi raclé participera des 10 milliards annuels d’économies programmées pour atteindre le fétiche d’un déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2017. Bien entendu, il ne sera en aucun cas question de revenir sur le péché originel des 50 milliards de baisses d’impôts octroyées depuis 2017 aux plus aisés à la demande de l’Association française des entreprises privées (AFEP). Ces baisses d’impôt échouent toujours à réindustrialiser la France dont le déficit commercial explose. Ce sont même elles qui, en privant l’État de ressources fiscales importantes, sont coupables de la lente résorption du taux d’endettement intervenant lors des phases de reprise.

Alors que le chômage repart à la hausse, le retour de l’austérité en France et en Europe est une grave erreur. Le principe de politiques anticycliques, opportunément brandi lors de la précédente réforme de l’assurance chômage, devrait s’incarner par des mesures de soutien aux bas revenus et à l’investissement lorsque l’économie s’éloigne du plein-emploi, et par la consolidation budgétaire lorsque l’économie retrouve son rythme de croisière. Le gouvernement agit à cet égard à contretemps. Contrairement à ce qu’affirme le ministre des Finances en évoquant les métiers en tension, la France n’est pas en plein-emploi avec un taux de chômage de 7,5 %.

L’idéologie de la Macronie

Sur une longue durée, la DARES comptabilise invariablement trois cent mille emplois vacants, dans les secteurs traditionnellement en tension (hôtellerie-restauration, construction), alors que plus de 5 millions de demandeurs d’emploi de catégories A, B et C, cherchent toujours désespérément chaussures à leurs pieds, et ce d’autant plus vainement lorsqu’ils deviennent seniors. Le chômage involontaire de masse prédomine. Réduire le montant et la durée des revenus de remplacement détériorera non seulement le sort des chômeurs, mais aggravera, de surcroît, la conjoncture car l’assurance-chômage joue aussi un rôle de « stabilisateur automatique » de soutien à la reprise. Les experts officiels le savent et le débat ouvert par les impétrants de la future élection présidentielle est avant tout électoraliste. S’il se fait l’écho de l’idéologie des milieux d’affaires, ce discours entend également opposer dans la France périphérique la « France qui se lève tôt » à celle qui « vit des allocations ».

La vieille idéologie économique est de retour dans sa version la plus crue : « L’économie est en plein-emploi et ne peut produire plus parce que le chômage est purement volontaire ; l’investissement est tributaire d’une épargne qu’il faut stimuler en réduisant les impôts sur le capital et les charges sociales ; il faut pour cela réduire les dépenses publiques parce qu’elles entretiennent l’assistanat, la bureaucratie improductive et pèsent sur les générations futures… » Cette idéologie n’est pas seulement l’apanage de la Macronie, alliance de la gauche girondine et de la droite orléaniste. Elle est largement partagée au sein de « l’union des droites » en passe de se constituer et prédomine a fortiori dans l’extrême droite. Une fois au pouvoir, la nouvelle droite légitimiste ne manquerait pas d’achever la bête traquée depuis plusieurs décennies par le monde de la finance, l’État providence, symbole de jours heureux bel et bien révolus…

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