Il est 18h15, les bancs de l’amphithéâtre Descartes de la Sorbonne – plus habitué à héberger des cours d’histoire médiévale ou de sociologie – ont été pris d’assaut. Il n’y a plus une place pour entendre un personnage qui fait beaucoup parler de lui mais dont on n’entend peu la voix : le conseiller sportif du PSG, Luis Campos.
Ce vendredi soir, ils sont 280 chanceux à assister au cours magistral du Portugais de 59 ans. Une petite dizaine de journalistes sont également présents, mais le mail d’invitation précise bien que « la session de questions – réponses ne concernera que les étudiants« . Deux membres du service de communication du PSG, installés au premier rang, sont là pour s’en assurer. Ces derniers n’auront pas de sueurs froides tant Luis Campos, en fin communiquant, a livré – c’est le cas de le dire – une masterclass tout au long de son intervention, jeu des questions-réponses compris.
« L’équipe est plus importante que l’individu »
« Une tête carrée ne comprendra jamais un ballon rond. » Voici le mantra du dirigeant portugais, qui a su mettre de l’eau dans son vin avec le temps pour appréhender le monde du foot en général, et son rôle de directeur sportif en particulier. « Il faut être ouvert d’esprit« , martèle-t-il à l’assistance.
Le conseiller football du Paris Saint-Germain, debout, micro à la main, lance alors plusieurs diapositives sur l’écran géant où il détaille sa façon de construire une équipe. Et qui dit équipe dit collectif. « J’ai bientôt 60 ans, je suis dans le football professionnel depuis 18 ans, et c’est une idée pour laquelle je me bats tous les jours« , avance Campos, « le football est un sport collectif. Pour moi, une équipe c’est un puzzle de 22 ou 24 pièces.«
Et il affiche, en photo d’une Tour Eiffel avec des pièces venant d’une autre image pour illustrer son propos. « Il y a onze joueurs contre onze, mais il faut des remplaçants. En doublant les postes ça donne 22, et puis il y a deux postes spécifiques – celui d’attaquant et de gardien- qui donne donc 24 pièces.«
Un puzzle qui devient un casse-tête quand, cet été par exemple, le Paris Saint-Germain recrute onze nouveaux joueurs. « C’est très important d’analyser le modèle de jeu voulu par le coach, mais aussi notre propre vision en tant que club« , développe Luis Campos, et d’ajouter : « Mais aussi en tant que club on doit défendre ce que nos supporters aiment voir sur le terrain. Défendre aussi la culture du pays, la culture de la ville, de ce qui a été mis en place dans les années passées. » Imbriquer en somme passé, présent et futur pour réussir le puzzle collectif.
A1, B1, A2, les pièces maîtresses de son puzzle collectif
Pour construire son équipe, Luis Campos a élaboré des codes bien précis. Dans son onze-type, il lui faut par exemple quatre joueurs dits « A1 » : « un joueur fondamental, capable de te faire gagner des matches. Il en faut un à chaque ligne, c’est la colonne vertébrale de l’équipe. »
A cette colonne s’ajoute des joueurs « B1 » : « de jeunes joueurs capables de devenir A1, des électrons libres, extraordinaires, comme Bernardo Silva, Mbappé, Fabinho. » On pense forcément aujourd’hui côté PSG à Warren Zaïre-Emery, appelé en équipe de France par Didier Deschamps.
Sans oublier les « A2 », des « joueurs d’équipe, très important pour que ça fonctionne« . Avec un dénominateur commun, le cognitif, « savoir comprendre le jeu« .
Etudier la personnalité des joueurs via ses réseaux sociaux
Pour dénicher ces profils, Luis Campos est un homme de son temps, qui adore utiliser les outils technologiques. « Je suis un grand fan des data mais je ne suis pas radical« , glisse-t-il. « C’est comme un filtre, un entonnoir. Mais aux datas, il faut ajouter la sensibilité. »
Pour ce faire, Luis Campos a mis au point avec l’université de Berlin un système inédit pour mieux cerner la personnalité de ses joueurs. « On a développé un outil qui analyse les réseaux sociaux des joueurs afin de nous en dire plus sur sa personnalité. Pour nous, les réseaux sociaux, c’est extraordinaire. » Car pour que le puzzle fonctionne, il faut connaître le joueur sous toutes ses formes, que ce soit sur le terrain, mais aussi en dehors.
Des réseaux sociaux dont se méfie Luis Campos. « Ils peuvent influencer la valorisation d’un joueur. Dès que ça sort pour un joueur du PSG, le prix augmente« , se lamente-t-il. « J’essaye de garder le plus de confidentialité. » Il ne s’épanchera pas plus sur le club de la capitale, juste Campos prendra l’exemple du Sud-Coréen Lee Kang-In, « un cas extraordinaire » à ses yeux : « Je l’aime beaucoup et il entre dans ce que le coach aime. Mais je ne pensais pas à tout cet impact [économique, ndlr] en Asie, c’incroyable le nombre d’Asiatiques qui sont désormais connectés au PSG grâce à lui.«
Des étudiants conquis
A la sortie de l’amphi, les étudiants ont apprécié le moment. « Très pertinent » pour Noam, « instructif », pour Griffin. « Il a beaucoup appuyé sur le collectif« , glisse Shirine qui est venue par curiosité à cette conférence « Je regarde un peu les matches du PSG, et cette saison ce que je vois sur le terrain, ça me plait, c’est mieux que l’an passé. » Et Réda de conclure : « Il met en avant le terrain et pas uniquement la data, il y a besoin d’un ressenti physique. Il a vraiment donné sa méthodologie. Ça fait plaisir d’avoir ce genre d’intervenants. Il a une idéologie centrée sur le joueur collectif.«
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