![, Rachida Dati au gouvernement, simple coup de com ou véritable atout politique](https://www.sorbonne-post-scriptum.com/blog/wp-content/uploads/2024/01/rachida-dati-au-gouvernement-simple-coup-de-com-ou-veritable-atout-politique.jpg)
Le JDD. L’arrivée de Rachida Dati au très convoité ministère de la Culture est la principale surprise du nouveau gouvernement. C’est « disruptif » de la part d’Emmanuel Macron, est-ce pour autant une véritable prise de guerre politique ?
Arnaud Benedetti. C’est pour qui veut bien avoir un peu de mémoire une demi-surprise car Rachida Dati s’était déjà prononcée pour une alliance de gouvernement entre sa famille politique et le président de la République. C’était en conséquence une forme d’offre de service à laquelle a répondu Emmanuel Macron. Sur le fond, et par-delà l’effet médiatique, il n’y a rien de « disruptif » : il s’agit d’un « coup de com » supplémentaire dont le but est d’entretenir l’illusion de la capacité d’attractivité du macronisme vis-à-vis, entre autres, de la droite républicaine. Cela ne résout en rien le problème structurel auquel demeure confronté Emmanuel Macron, avant comme après ce remaniement : l’absence de majorité à l’Assemblée au Palais-Bourbon.
La prise Dati, loin de faciliter un élargissement de la base parlementaire du président, va compliquer la situation.
La prise Dati, loin de faciliter un élargissement de la base parlementaire du président de ce côté-ci de l’échiquier politique, va plutôt compliquer la situation en la tendant. À l’Assemblée comme au Sénat, les LR risquent de considérer qu’il s’agit là d’une mauvaise manière visant à les déstabiliser au travers d’un énième débauchage dont il faut quand même, hors média, relativiser la portée politique. Tant que les digues parlementaires tiennent, les LR, nonobstant leurs difficultés, sont en mesure de tenir leur ligne d’opposition et d’indépendance. Ils ont d’autant plus intérêt à le faire que l’opinion juge sévèrement ces combinaisons politiciennes où les adversaires d’hier renient leur parole pour devenir les amis d’aujourd’hui. Un contrat de gouvernement ne se construit pas ainsi.
Pour Gabriel Attal, « heureux » de cette nomination, l’« énergie » de Rachida Dati peut être un véritable atout ; c’est une femme de combat, mais c’est aussi un caractère très affirmé. Saura-t-elle respecter la solidarité gouvernementale sans jouer sa carte personnelle selon vous ?
Madame Dati a un atout : son culot. En politique, cela peut être utile. Elle a par ailleurs une expérience certaines des joutes et de leur dureté. Elle sait souffrir, elle sait encaisser, elle sait rendre les coups. Bref, c’est un tempérament qui sort de la banalité un peu lisse du personnel politique macroniste. On notera au demeurant que parmi les fortes personnalités de la majorité, toutes, ou presque toutes, ne sont pas issues de la macronie originelle. Pour autant, Madame Dati a aussi des inconvénients : outre une mise en examen qui peut grever son avenir ministériel, sa nomination est vue par une partie de la majorité comme une « sarkozysation » du macronisme. Sur l’aile gauche ou sur l’aile centriste de l’alliance présidentielle, cette arrivée n’est pas forcément bien vécue.
Or, quand vous êtes en majorité relative, comme c’est le cas pour l’exécutif, vous êtes nécessairement déjà de manière exogène en équilibre instable ; donc vous n’avez pas intérêt à rajouter un déséquilibre endogène au sein de votre propre camp. Depuis l’adoption dans les conditions que l’on sait de la loi immigration, la macronie est entrée dans une phase où des tendances centrifuges commencent à la travailler ; les résistances auxquelles ont donné lieu la formation de ce nouveau gouvernement attestent même d’une accélération de ce processus. Comme elle est déjà un objet de dissensus, Madame Dati dans un premier temps ne devrait pas trop s’affranchir de la médiane gouvernementale. Surtout si, comme d’aucuns le murmurent, son entrée au gouvernement est liée à une entente tacite concernant les futures élections à Paris…
Défendre la culture ne signifie pas pour autant se soumettre à tous les corporatismes
Rachida Dati aurait lié son arrivée au gouvernement à l’assurance d’être la tête de liste, à Paris, d’une alliance entre la droite et la majorité présidentielle lors des prochaines élections municipales de 2026. Un choix politique judicieux selon vous ?
Une remarque liminaire : il y a, si cela était confirmé, quelque chose de vicié dans ce bargaining, cette négociation en amont. L’engagement au service de la République, si la vertu publique a encore un sens, ne devrait donner lieu à aucune négociation ou troc. Le don et le contre-don relèvent d’une économie tribale et non d’une République censée transcender les intérêts individuels. Quand vous entrez dans un gouvernement, c’est d’abord pour accomplir une mission au service de la Nation, et cela, sans revendiquer en arrière-fond des assurances pour un avenir, quelle que soit la nature de cet avenir. On n’imagine pas des ministres du général de Gaulle quémander quelques trophées futurs… Voilà qui en dit quand même long sur l’état de dégradation de ce que Tocqueville appelait « l’état des mœurs ».
Quant à la situation parisienne, elle offre un champ de possibilités assez large : est-ce que l’aile de gauche du macronisme, qui politiquement peut entrer en résonance avec une partie de la sociologie électorale de la capitale, est prête à se rallier à un arrangement de ce type – encore une fois s’il était avéré, rien ne le certifie à ce stade, d’autant plus que ce réformisme-là, courant moteur au début de l’aventure d’Emmanuel Macron, est pour le moment le grand « brûlé » de ce remaniement. Et sur l’autre versant, qu’en sera-t-il de la droite parisienne par rapport à cet appariement soudain de Madame Dati à la majorité macroniste, c’est une question qui n’est pas totalement tranchée. L’aspiration à l’alternance après plus de vingt années de socialisme à Paris est sans doute une donnée forte, d’autant plus que la pratique du pouvoir par Madame Hidalgo condense de nombreuses critiques et de nombreux mécontentements. Les logiques nationales à Paris pèsent fortement sur l’autonomie des acteurs locaux, ne l’oublions jamais. Qu’en sera-t–il du macronisme en 2026, personne ne peut le dire, mais la cinétique de la politique nous incite à penser qu’à mesure que le quinquennat avance, l’autorité présidentielle tendra presque mécaniquement à s’affaiblir et que nombreux dans son camp auront alors la tentation de s’affranchir de celle-ci et des accords potentiels qu’il aurait pu nouer avec tel ou tel de ses interlocuteurs et autres alliés.
L’arrivée de Rachida Dati rue de Valois n’ébranle pas seulement le paysage politique : le monde de la culture, dont elle s’occupe désormais, s’interroge aussi, notamment sur sa maîtrise des dossiers culturels. Faut-il laisser sa chance à celle qui dit vouloir se « mettre au service de la culture » ?
Fleur Pellerin connaissait-elle plus le secteur culturel quand elle a été nommée en son temps ? Il en va de même pour Philippe Douste-Blazy sous Jacques Chirac ou encore plus récemment de Franck Riester… Donc il ne faut préjuger de rien. Un ministre doit être jugé d’abord sur son action ou sur son bilan, même s’il est toujours plus confortable de connaître le secteur dont on a la charge, ne serait-ce que pour résister si besoin à son administration.
Le monde de la culture a une haute idée de lui-même, et encore ne faut-il sans doute pas généraliser, car il est vraisemblablement plus hétérogène que son expression la plus visible médiatiquement tend parfois à l’accréditer. Entre les champs de la création, très diversifiés, ceux du patrimoine, auquel les Français sont particulièrement attachés, celui de la communication et de l’information également, les domaines d’intervention de l’action publique sont multiples et complexes. Qu’une partie du champ culturel très engagé, à gauche notamment, suspecte déjà la nouvelle ministre, cela n’est en fin de compte pas très étonnant, même si l’opinion publique dans ses segments profonds ne se reconnaît pas dans des combats qui lui paraissent parfois très déconnectés de ce que les Français vivent au quotidien.
Défendre la culture ne signifie pas pour autant se soumettre à tous les corporatismes, quand bien même se draperaient-ils dans les plis de la liberté de création… Ce qui apparaît sans doute le plus en matière de politique culturelle, pour ce qui concerne le soutien à la création, n’est-ce pas le conformisme idéologique qui souvent la sous-tend ? Un beau chantier pour la nouvelle ministre…
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