Rachida Dati au gouvernement, simple coup de com ou véritable atout politique

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Le JDD. Larrivée de Rachida Dati au très convoité ministère de la Culture est la principale surprise du nouveau gouvernement. Cest « disruptif » de la part dEmmanuel Macron, est-ce pour autant une véritable prise de guerre politique ?

Arnaud Benedetti. C’est pour qui veut bien avoir un peu de mémoire une demi-surprise car Rachida Dati s’était déjà prononcée pour une alliance de gouvernement entre sa famille politique et le président de la République. C’était en conséquence une forme d’offre de service à laquelle a répondu Emmanuel Macron. Sur le fond, et par-delà l’effet médiatique, il n’y a rien de « disruptif » : il s’agit d’un « coup de com » supplémentaire dont le but est dentretenir lillusion de la capacité dattractivité du macronisme vis-à-vis, entre autres, de la droite républicaine. Cela ne résout en rien le problème structurel auquel demeure confronté Emmanuel Macron, avant comme après ce remaniement : labsence de majorité à lAssemblée au Palais-Bourbon.

La prise Dati, loin de faciliter un élargissement de la base parlementaire du président, va compliquer la situation.

La prise Dati, loin de faciliter un élargissement de la base parlementaire du président de ce côté-ci de l’échiquier politique, va plutôt compliquer la situation en la tendant. À lAssemblée comme au Sénat, les LR risquent de considérer quil sagit là dune mauvaise manière visant à les déstabiliser au travers dun énième débauchage dont il faut quand même, hors média, relativiser la portée politique. Tant que les digues parlementaires tiennent, les LR, nonobstant leurs difficultés, sont en mesure de tenir leur ligne dopposition et dindépendance. Ils ont dautant plus intérêt à le faire que lopinion juge sévèrement ces combinaisons politiciennes où les adversaires dhier renient leur parole pour devenir les amis daujourdhui. Un contrat de gouvernement ne se construit pas ainsi.

Pour Gabriel Attal, « heureux » de cette nomination, l’« énergie » de Rachida Dati peut être un véritable atout ; cest une femme de combat, mais c’est aussi un caractère très affirmé. Saura-t-elle respecter la solidarité gouvernementale sans jouer sa carte personnelle selon vous ?

Madame Dati a un atout : son culot. En politique, cela peut être utile. Elle a par ailleurs une expérience certaines des joutes et de leur dureté. Elle sait souffrir, elle sait encaisser, elle sait rendre les coups. Bref, cest un tempérament qui sort de la banalité un peu lisse du personnel politique macroniste. On notera au demeurant que parmi les fortes personnalités de la majorité, toutes, ou presque toutes, ne sont pas issues de la macronie originelle. Pour autant, Madame Dati a aussi des inconvénients : outre une mise en examen qui peut grever son avenir ministériel, sa nomination est vue par une partie de la majorité comme une « sarkozysation » du macronisme. Sur laile gauche ou sur laile centriste de lalliance présidentielle, cette arrivée nest pas forcément bien vécue.

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Or, quand vous êtes en majorité relative, comme cest le cas pour lexécutif, vous êtes nécessairement déjà de manière exogène en équilibre instable ; donc vous navez pas intérêt à rajouter un déséquilibre endogène au sein de votre propre camp. Depuis ladoption dans les conditions que lon sait de la loi immigration, la macronie est entrée dans une phase où des tendances centrifuges commencent à la travailler ; les résistances auxquelles ont donné lieu la formation de ce nouveau gouvernement attestent même dune accélération de ce processus. Comme elle est déjà un objet de dissensus, Madame Dati dans un premier temps ne devrait pas trop saffranchir de la médiane gouvernementale. Surtout si, comme daucuns le murmurent, son entrée au gouvernement est liée à une entente tacite concernant les futures élections à Paris…

Défendre la culture ne signifie pas pour autant se soumettre à tous les corporatismes

Rachida Dati aurait lié son arrivée au gouvernement à lassurance d’être la tête de liste, à Paris, dune alliance entre la droite et la majorité présidentielle lors des prochaines élections municipales de 2026. Un choix politique judicieux selon vous ?

Une remarque liminaire : il y a, si cela était confirmé, quelque chose de vicié dans ce bargaining, cette négociation en amont. Lengagement au service de la République, si la vertu publique a encore un sens, ne devrait donner lieu à aucune négociation ou troc. Le don et le contre-don relèvent dune économie tribale et non dune République censée transcender les intérêts individuels. Quand vous entrez dans un gouvernement, c’est dabord pour accomplir une mission au service de la Nation, et cela, sans revendiquer en arrière-fond des assurances pour un avenir, quelle que soit la nature de cet avenir. On n’imagine pas des ministres du général de Gaulle quémander quelques trophées futurs… Voilà qui en dit quand même long sur l’état de dégradation de ce que Tocqueville appelait « l’état des mœurs ».

Quant à la situation parisienne, elle offre un champ de possibilités assez large : est-ce que laile de gauche du macronisme, qui politiquement peut entrer en résonance avec une partie de la sociologie électorale de la capitale, est prête à se rallier à un arrangement de ce type – encore une fois sil était avéré, rien ne le certifie à ce stade, dautant plus que ce réformisme-là, courant moteur au début de laventure dEmmanuel Macron, est pour le moment le grand « brûlé » de ce remaniement. Et sur lautre versant, quen sera-t-il de la droite parisienne par rapport à cet appariement soudain de Madame Dati à la majorité macroniste, cest une question qui nest pas totalement tranchée. Laspiration à lalternance après plus de vingt années de socialisme à Paris est sans doute une donnée forte, dautant plus que la pratique du pouvoir par Madame Hidalgo condense de nombreuses critiques et de nombreux mécontentements. Les logiques nationales à Paris pèsent fortement sur lautonomie des acteurs locaux, ne loublions jamais. Quen sera-til du macronisme en 2026, personne ne peut le dire, mais la cinétique de la politique nous incite à penser qu’à mesure que le quinquennat avance, lautorité présidentielle tendra presque mécaniquement à saffaiblir et que nombreux dans son camp auront alors la tentation de saffranchir de celle-ci et des accords potentiels quil aurait pu nouer avec tel ou tel de ses interlocuteurs et autres alliés.

Larrivée de Rachida Dati rue de Valois n’ébranle pas seulement le paysage politique : le monde de la culture, dont elle soccupe désormais, sinterroge aussi, notamment sur sa maîtrise des dossiers culturels. Faut-il laisser sa chance à celle qui dit vouloir se « mettre au service de la culture » ?

Fleur Pellerin connaissait-elle plus le secteur culturel quand elle a été nommée en son temps ? Il en va de même pour Philippe Douste-Blazy sous Jacques Chirac ou encore plus récemment de Franck Riester… Donc il ne faut préjuger de rien. Un ministre doit être jugé dabord sur son action ou sur son bilan, même sil est toujours plus confortable de connaître le secteur dont on a la charge, ne serait-ce que pour résister si besoin à son administration.

Le monde de la culture a une haute idée de lui-même, et encore ne faut-il sans doute pas généraliser, car il est vraisemblablement plus hétérogène que son expression la plus visible médiatiquement tend parfois à laccréditer. Entre les champs de la création, très diversifiés, ceux du patrimoine, auquel les Français sont particulièrement attachés, celui de la communication et de linformation également, les domaines dintervention de laction publique sont multiples et complexes. Quune partie du champ culturel très engagé, à gauche notamment, suspecte déjà la nouvelle ministre, cela nest en fin de compte pas très étonnant, même si lopinion publique dans ses segments profonds ne se reconnaît pas dans des combats qui lui paraissent parfois très déconnectés de ce que les Français vivent au quotidien.

Défendre la culture ne signifie pas pour autant se soumettre à tous les corporatismes, quand bien même se draperaient-ils dans les plis de la liberté de création… Ce qui apparaît sans doute le plus en matière de politique culturelle, pour ce qui concerne le soutien à la création, nest-ce pas le conformisme idéologique qui souvent la sous-tend ? Un beau chantier pour la nouvelle ministre…

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