Lucien Attoun, ou la culture comme espace de liberté et de partage

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Né de l’autre côté de la Méditerranée, près du port de La Goulette, dans une famille où le spectacle est presque une religion, Lucien Attoun arrive en France à 12 ans. Dès l’adolescence, il se lance dans le théâtre amateur, parcourant parfois la France en stop pour transformer les rues et les plages en terrain de jeu. Dans le quartier latin des années 1950 dont il décrivait si bien la frénésie curieuse, il étudie à la Sorbonne le théâtre antique et fait la plonge dans le cabaret où Moustaki entonne ses premiers airs. La vie foisonne, il aime l’Antigone d’Anhouil, le café Tournon et bientôt : Micheline.

C’est à 25 ans qu’il rencontre celle qui sera dans la vie, le travail et les rêves son inébranlable et merveilleuse alliée : Micheline, qui prend le nom d’Attoun. Ensemble, ils rêvent d’un théâtre libéré des chapelles qui minent l’époque. Dès les années 1960, quand il ne travaille pas comme régisseur, administrateur ou assistant au théâtre, Lucien Attoun transmet sa passion du théâtre en écrivant dans des revues ou en animant des émissions de radio.

Il y partage son amour d’une écriture dramatique vivante, ancrée dans son temps, dont il défendra pendant près de vingt ans les auteurs comme éditeur dans sa collection « théâtre ouvert ». Sur les ondes de France Culture, il devient une voix reconnaissable entre mille, chaleureuse, généreuse, qui nous fait découvrir la puissance de nouveaux auteurs comme Bernard-Marie Koltès ou Thomas Bernhard. La radio, disait-il, « peut amener à l’essentiel du théâtre, à l’émotion juste. Elle crée un lien privilégié et sensible avec son auditoire, une qualité d’écoute inespérée pour les auteurs ».

En créant le « Nouveau Répertoire Dramatique », il se donne pour ambition de donner la parole à la nouvelle génération de dramaturges. Cette bataille des auteurs, il la porte jusqu’au festival d’Avignon, où il regrette l’absence de textes contemporains et le peu d’intérêt que porte alors le monde littéraire à l’écriture dramatique. De discussions animées en projets un peu fous, il parvient à convaincre Jean Vilar, qui mourra sans le voir, de créer un lieu qui donne vie aux mots des auteurs dramatiques contemporains.

Dans une société qui se libère progressivement, le « théâtre ouvert » est né dans un lieu qui devient vite emblématique : la Chapelle des pénitents blancs. Les textes de Rezvani ou de Vinaver frappent l’air d’Avignon des années 1970.

Face au succès de l’aventure, Lucien et Micheline Attoun installent en 1981 le Théâtre Ouvert à Paris, dans le Jardin d’hiver du Moulin Rouge, au pied des appartements où avaient vécu Jacques Prévert et Boris Vian. Dans ce lieu singulier, chargé de l’âme de Montmartre, ils révèlent parmi les plus grands dramaturges de notre temps, celles et ceux dont les textes « nous obligent, [selon ses propres mots], à tendre un peu plus l’oreille que d’habitude ».

En devenant permanent, le Théâtre Ouvert garde son ADN : révéler, accompagner et faire grandir les auteurs contemporains, donner carte blanche aux metteurs en scène pour les transmettre au public, pourvu qu’on préfère aux costumes et décors sophistiqués, l’essence du jeu et la puissance des mots. De Françon à Nordey, ils y trouvent un lieu d’expérimentation au service du texte.

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Portés par leur confiance et leur amour immodéré pour les écritures nouvelles, Lucien et Micheline Attoun favorisent ainsi l’essor de Valère Novarina, Jean-Luc Lagarce, Philippe Minyana, Noëlle Renaude ou encore Didier Georges Gabily. Dans ce théâtre qu’ils qualifient « d’art et d’essai », ils accompagnent aussi des romanciers qui passent à l’écriture scénique, de Laurent Gaudé à Christine Angot. Jusqu’en 2013, « Attoun et Attounette » assurent avec passion, malice et brio la direction du Théâtre Ouvert, longtemps présidé par Catherine Tasca, dont Laurent Poitrenaux a pris récemment le relais.

Convaincu que la culture devait avant tout être un espace de liberté et de partage, Lucien Attoun se définissait comme un « passeur » dont la mission était d’offrir au public l’émotion qu’il a toujours puisé dans la création théâtrale. Sa curiosité, son audace et sa modernité intemporelle nous manqueront.

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