1er Mai sous surveillance : «les drones ne peuvent pas devenir un outil ordinaire de gestion de l’ordre public»

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A Paris, Lyon ou à Bordeaux, les préfectures ont annoncé le déploiement de drones pour «sécuriser» les manifestations du 1er mai. Paul Cassia, professeur de droit public à Panthéon Sorbonne, explique en quoi l’usage des drones est «attentatoire à une série de libertés».

Des défilés de 1er Mai filmés, c’est nouveau et pas rassurant. Car on ne parle pas de caméras de vidéosurveillance et encore moins de celles des télévisions. Lundi, les images viendront d’en haut et il suffira de tendre l’oreille à la recherche d’un bourdonnement pour trouver leurs pourvoyeurs. A la va-vite et sans consultation, plusieurs préfectures ont en effet autorisé l’utilisation de drones par les forces de l’ordre afin de suivre les manifestations du jour. Ce sera le cas notamment à Lyon, Bordeaux, Nantes, au Havre ou encore à Paris.

Au moins quatre référés-libertés ont été déposés contre l’utilisation de drones, notamment par l’association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico). Dimanche, un premier référé a été rejeté par le tribunal administratif de Lyon mais celui de Rouen a retoqué l’arrêté préfectoral concernant la manifestation prévue lundi au Havre.

A Paris, l’audience se tiendra lundi matin à 9 heures. Professeur de droit public à Panthéon Sorbonne et membre de l’Adelico, Paul Cassia, dénonce une illégalité manifeste et demande qu’on ne laisse plus police et préfets exercer leurs activité de maintien de l’ordre sans respecter les règles.

Comment en est-on arrivé à ces arrêtés autorisant l’usage des drones ?

Cela s’inscrit dans un contexte particulier. Depuis un mois et demi, on fait face à une avalanche d’arrêtés préfectoraux qui portent atteinte notamment à la liberté de manifester. Et cela va de pair avec des décisions de justice administrative assez nombreuses qui viennent suspendre ces actes administratifs. Sur la question des drones, l’Adelico a porté cinq contentieux : quatre qui concernent les arrêtés des préfets pris hier à Bordeaux, Lyon, au Havre et à Paris, et un autre qui conteste le décret du 19 avril 2023 signé par la Première ministre, qui est la source des arrêtés préfectoraux.

Sur quelle loi se base ce décret du 19 avril ?

Ce texte applique une loi de janvier 2022 qui a autorisé le recours à ce type d’outil. Depuis la publication de ce texte, les préfets mais aussi les militaires, les douaniers et les agents de la gendarmerie et de la police nationale pourraient être habilités à utiliser des drones.

Pourquoi attaquer ces arrêtés et ce décret ?

Parce que ce décret devait être pris après un avis de la CNIL qui a été publié en en avril 2023. Il indiquait que le gouvernement s’engageait à adopter ce que la CNIL appelle des «doctrines d’emploi» des drones. Donc, le texte de la Première ministre n’est pas suffisant en lui-même pour appliquer la loi de 2022. La CNIL demande que les doctrines d’emploi lui soient communiquées. Si ces doctrines n’ont pas encore été adoptées, alors les drones ne peuvent pas être déployés. Et si elles ont été adoptées par les différentes administrations, elles doivent être rendues officielles. Ce n’est pas le cas.

Quels problèmes posent cet usage des drones par les forces de l’ordre ?

Un drone filme n’importe quoi. Il ne cible pas les personnes et peut capter l’intérieur de domiciles privés. Or, la présence du drone n’est pas nécessairement connue des personnes qui sont sur la voie publique ou dans leur habitation. Tandis que la vidéosurveillance est affichée et fixe, des milliers de personnes peuvent être susceptibles d’être contrôlées par un drone à leur insu, s’il n’y a pas une information suffisante apportée par les autorités ou même s’il y a une dérogation à l’obligation d’information. C’est un outil «exceptionnel», tel qu’il l’est indiqué dans le droit européen. Un drone n’est pas proportionné à la couverture d’une manifestation et ne peut pas devenir un outil ordinaire de gestion de l’ordre public. On basculerait alors dans un type de société où une administration peut tout surveiller via un procédé particulièrement attentatoire au droit à l’utilisation des données personnelles ou au droit à la vie privée.

Que dit cette bataille administrative de l’état des libertés publiques en France ?

Ce qui paraît assez évident, comme l’a relevé l’historien Pierre Rosanvallon, c’est qu’un pouvoir qui s’appuie beaucoup sur la force échoue à convaincre d’une certaine manière. Or, le recours à la force est manifeste depuis le début de la contestation de la réforme des retraites. Et cela est fait bien souvent en utilisant des techniques qui ne sont pas loyales, comme la publication tardive des interdictions de rassemblement ou l’emploi de la loi du 30 octobre 2017, dite Silt, destinée à lutter contre le terrorisme pour interdire les manifestations. Cette loi met en œuvre une technique utilisée après les attentats de 2015 à Paris qui permet la création de périmètre de protection. Elle a été utilisée à plusieurs reprises pour interdire les manifestations lors des déplacements du président de la République ces derniers jours. Et la justice l’a condamné.

Mise à jour à 19 heures 35 avec l’arrêté concernant Le Havre retoqué par la justice administrative.

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