Clément Beaune : « Le RN est obligé de reconnaître ses erreurs idéologiques sur l’Europe

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LA TRIBUNE DIMANCHE – Vous avez été désigné cette semaine porte-parole de la liste de la majorité présidentielle pour la campagne européenne. Votre priorité va-t-elle être de taper sur le RN et Jordan Bardella ?

CLÉMENT BEAUNE – Il faudra bien sûr montrer les incohérences du Rassemblement national, le danger qu’il représente et surtout démontrer qu’il a encaissé toutes les défaites idéologiques sur le plan européen depuis cinq ans. Le RN est le parti de la sortie : celle de l’Union européenne qu’il défendait lors du Brexit, de l’euro ensuite, de Schengen et de la gestion commune des frontières jusqu’à ce qu’il recrute le patron viré de Frontex sur sa liste européenne, du commandement intégré de l’Otan jusqu’à ce que Jordan Bardella défende jeudi le contraire de ce que prônait la veille Marine Le Pen, du marché européen de l’électricité avant de se rétracter. Le RN, c’est le parti de la sortie, de la sortie de route, de la sortie de l’Histoire. Il ne cesse d’être obligé de reconnaître ses erreurs idéologiques sur l’Europe.

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Trouvez-vous vraiment cela efficace de concentrer à ce point vos coups sur lui ?

On ne doit pas être obsédé par le Rassemblement national, mais il faut bien montrer aux Français qui est crédible pour changer l’Europe et qui ne l’est pas. En juin, ceux-ci seront face à une alternative : soit faire confiance à un parti politique qui a dû reconnaître tous ses torts sur l’Europe et a défendu l’alliance avec la Russie, y compris sanitaire en défendant le vaccin Spoutnik et en nous accusant de ne pas le diffuser en Europe, soit choisir la crédibilité européenne. Avec Emmanuel Macron, nous avons posé le bon diagnostic sur l’Europe il y a sept ans, lors du discours de la Sorbonne, défendant seuls la souveraineté européenne et le renforcement de l’Europe. Notre bilan montre notre crédibilité. On disait que la dette commune était impossible, on l’a faite. L’Europe de la santé n’existait pas, on a commencé à la construire. Le budget européen de défense était une chimère. Il existe et nous permet de soutenir l’Ukraine. On s’est battus pendant vingt ans en faveur d’une taxe carbone aux frontières. Nous l’avons faite sous présidence française de l’Union européenne. N’oublions pas cela ! Le vrai enjeu de cette élection, c’est : à qui confiera-t-on les clés du camion ?

Quel sera l’axe de votre projet ?

Notre ligne a été définie dès la campagne présidentielle de 2017, celle de la « souveraineté européenne ». Elle consiste à dire que la souveraineté française est renforcée par la coopération européenne. Nous ne changerons pas de cap et irons plus loin en matière de défense, d’énergie en défendant le nucléaire, d’industrie, de souveraineté alimentaire… L’Europe ne peut pas tout, mais on ne peut rien sans l’Europe.

Raphaël Glucksmann n’est-il pas en train de séduire davantage les proeuropéens que vous ?

Je ne crois pas. Qui a été le plus utile ces dernières années pour l’Europe ? Et qui peut l’être demain ? Je crois franchement que ce sont nos 23 députés, et celle qui a été à leur tête, Valérie Hayer. Les proeuropéens veulent-ils que cela continue pour les cinq ans qui viennent ou choisir une liste certes conduite par Raphaël Glucksmann, que je respecte sur beaucoup de combats, notamment celui de l’Ukraine, mais derrière qui se sont planqués les apparatchiks du vieux PS qui ont fait le choix de la Nupes ? Je vois bien que certains électeurs sont tentés de nous envoyer un message de mécontentement. C’est classique dans cette élection à la proportionnelle. Mais ce serait une erreur de se faire plaisir. L’heure est trop grave pour ne pas être sérieux, nous devons penser à l’avenir de l’Europe.

L’inquiétante dégradation de la situation budgétaire française ne risque-t-elle pas d’affaiblir le poids de la France sur le plan européen ?

Je ne crois pas. Nos partenaires européens savent notre engagement européen et la détermination du président à tenir une ligne réformatrice. Elle n’a jamais été démentie en sept ans. Ce qui compte pour l’influence européenne, c’est de prendre des initiatives, d’avoir un bilan, une crédibilité, et de ne pas donner l’impression d’une instabilité au niveau national.

Justement, alors que le débat fiscal anime la majorité, dans quel camp vous situez-vous ?

Il n’y a pas deux camps opposés. La situation budgétaire est difficile. Dans de tels moments, il ne faut pas réagir de manière fébrile, mais tenir trois impératifs de cohérence : réduire le déficit, faire des économies sur les dépenses publiques et ne pas perdre la boussole de notre politique économique. Par exemple, je défends qu’on ne touche pas au crédit d’impôt recherche. Cela dit, le débat fiscal n’est ni un débat interdit ni un débat paresseux. Il est nécessaire et ne se résume pas à plus ou moins d’impôts. Dans notre groupe, de façon plus large au sein de la majorité, il y a une volonté de s’interroger sur la justice fiscale, les niches, la fiscalité écologique… Et comme nous sommes en majorité relative et que le budget est un objet parlementaire par excellence, ne fermons pas les portes et travaillons avec d’autres groupes constructifs s’ils le souhaitent, de gauche et de droite, pour bâtir le prochain budget.

Après le sondage Ipsos publié la semaine dernière par La Tribune Dimanche, Rachida Dati est-elle la candidate naturelle du camp présidentiel en vue des municipales de 2026 à Paris ?

À deux ans de l’échéance, personne n’est un candidat naturel. Les ambitions sont légitimes. Celle de Rachida Dati pour Paris est connue. Mais au sein de la majorité, il y en a d’autres, comme Pierre-Yves Bournazel. Il faudra un projet unique et un candidat unique. Mais il est trop tôt pour arrêter les compteurs. La question ne se posera pas avant la fin de l’année. Et il faudra compter sur moi et avec moi ! Aujourd’hui, le bilan de dix années de gestion de Paris par Anne Hidalgo, c’est moins d’habitants et plus de dette. Mais, au fond, on constate aussi que, si elle est si critiquée, ce n’est pas pour son idéologie, mais pour son incapacité à gérer la capitale : la saleté partout, la voirie et le patrimoine dégradés, des consultations bidon, un sectarisme absolu… Dans la perspective de l’alternance, il faudra une vision et du sérieux pour Paris.

Quel rôle avez-vous envie de jouer dans la majorité ?

Je veux être un apporteur d’idées. Je suis convaincu qu’on gagnera les futures élections locales, et surtout nationales, non pas en donnant l’impression de vouloir simplement gérer ou d’être un rempart, mais en reconstruisant un projet d’espoir pour les années qui viennent. J’entends donc nourrir la bataille des idées, riche de mon expérience gouvernementale et de mes convictions sociales-démocrates et européennes. C’est la seule bataille qui nous fera gagner et je serai en première ligne.

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