Emmanuel Macron, 50 jours pour sauver son camp

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Jeudi, Emmanuel Macron va se lancer dans ce qui est sur le papier sa dernière campagne. À la Sorbonne, il prononcera un grand discours sur l’Europe et entamera une bataille de six semaines. Pour lui, son issue, le 9 juin, sera décisive. Fera-t-elle de lui un président impuissant durant les trente-quatre mois qu’il lui restera encore à l’Élysée ? Lui donnera-t-elle, au contraire, de l’allant afin d’éviter une fin de règne pétrifiée ? En 2019, lors des précédentes européennes, son engagement en première ligne avait payé. Si la liste de son camp avait fini en deuxième position, c’était à moins de 1 point de celle du Rassemblement national. Le chef de l’État avait poursuivi son mandat plutôt renforcé, six mois après avoir été profondément déstabilisé par la crise des Gilets jaunes.

Aujourd’hui, un tel scénario est-il de nouveau possible ? À quarante-neuf jours du scrutin, la liste de la majorité présidentielle est à un faible niveau, largement distancée dans les sondages par celle de Jordan Bardella (dans l’enquête Elabe publiée par La Tribune Dimanche le 7 avril, elle recueillait 16,5 % et celle du RN, 30 %). Sur le ring, Valérie Hayer, l’eurodéputée sortante que le locataire de l’Élysée a choisie comme cheffe de file, a du mal à exister. Dans ces conditions, celui-ci pourra-t-il redresser la barre ? Vendredi, il s’est rendu au siège de campagne pour affirmer aux permanents de l’équipe que rien n’était joué et que tout se déciderait dans les premiers jours de juin. Emmanuel Macron est un éternel optimiste qui pense toujours qu’il y a une solution. Récemment, à un de ses conseillers, qui lui expliquait qu’une demande qu’il venait de formuler était impossible à concrétiser, il a répondu : « Tu n’es pas payé pour me dire que ce n’est pas possible mais pour rendre possible ce que je te demande de faire. »

Jeudi, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, le président délivrera sa vision d’un continent qui, face à la Chine et aux États-Unis, doit se concevoir désormais comme une « Europe puissance ». Il expliquera comment cela devra se décliner dans les domaines de la défense, de l’énergie… « Ce sera le discours d’un chef de l’État qui formule au nom de la France l’agenda de la prochaine commission qui sortira des élections », assure-t-on dans son entourage. En septembre 2017, au même endroit, il avait déjà prononcé un discours qui avait marqué les esprits et servi de feuille de route, par la suite, à la commission von der Leyen. « À l’époque, on avait dit que beaucoup de ses propositions étaient irréalistes et, pourtant, elles se sont matérialisées », rappelle un de ses collaborateurs. Cette semaine, dans son intervention, sur laquelle il a beaucoup phosphoré depuis un mois, Emmanuel Macron ne manquera donc pas de revendiquer ces acquis afin de montrer aux Français qu’il pèse. Depuis 2022, parmi les Vingt-Sept, il fait partie du club très fermé des gouvernants réélus. Après un septennat au pouvoir, il est celui qui dispose de la plus longue expérience. « Il est le seul à avoir travaillé avec Trump. Ce n’est pas le cas de Meloni ou de Scholz, rapporte un poids lourd du gouvernement, en contact permanent avec lui. Il réfléchit déjà, si Trump est réélu et organise l’an prochain avec Poutine un sommet sur la paix en Europe où aucun dirigeant européen n’est invité, à ce qu’il devra alors faire avec ses homologues. »

« Vote utile » contre « vote plaisir »

Les jours suivants permettront à Emmanuel Macron de continuer à s’afficher en leader européen. Au début de mai, il recevra le président chinois Xi Jinping à Paris et, à la fin du mois, effectuera une visite d’État en Allemagne. À l’occasion des cérémonies du 80e anniversaire du débarquement de Normandie, le 6 juin, il accueillera le monde entier. Plusieurs fois reporté, un déplacement en Ukraine est également toujours envisagé. À côté de cet agenda officiel, le chef de l’État s’invitera aussi concrètement dans la campagne. Participera-t-il à un meeting ? Adressera-t-il une « lettre aux Français » ? Les formats de ses interventions ne sont pas encore arrêtés. Vendredi, des photos d’Emmanuel Macron et de Valérie Hayer ont été prises afin d’illustrer le programme de la liste de la majorité, dévoilé début mai. Le 9 mars, le chef de l’État avait déjà beaucoup hésité à participer au meeting de lancement de campagne de celle-ci à Lille. Nicolas Sarkozy, qu’il avait reçu à l’Élysée trois jours avant, l’avait beaucoup incité à le faire et à suivre ainsi son exemple de 2009.

Depuis 2017, l’Europe a toujours été un marqueur de l’ADN macroniste. Aujourd’hui, son camp espère encore parvenir à capitaliser sur lui. « Je comprends qu’il y ait des déçus sur le plan national, mais sur l’Europe, on a un vrai bilan », plaide un poids lourd de la campagne. Dans l’équation, une donnée a néanmoins changé. « En 2019, Emmanuel Macron était seul sur ce créneau, note Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Cette fois, ils sont deux. Il est concurrencé par Raphaël Glucksmann. Il ne doit pas lui laisser ce terrain. » Dans cette optique, à l’Élysée, on entend défendre le « vote utile » face au « vote plaisir », qui serait incarné par la tête de liste socialiste. « L’urgence est d’enrayer le vote en sa faveur, confie un proche du président. À la présidentielle, Glucksmann, ça fait 2 %. Aux européennes, cela peut faire 14-15 %. »

Jouer sur « l’émotion du 6 juin »

Mais après sept années au pouvoir, Emmanuel Macron peut-il encore sauver son camp ? « Sur les marchés, les gens nous rendent nos tracts quand ils voient la photo du président dessus », rapporte un élu du Grand-Est, qui en a fait l’expérience. « Il est moins un élément de mobilisation macroniste », relève Bernard Sananes, le président de l’institut Elabe. Une catégorie électorale en est l’illustration : dans les enquêtes, les seniors manquent à l’appel, alors que c’était jusqu’à présent le principal point de force de la majorité dans les urnes. Dans des élections européennes, la participation des siens est pourtant la clé. « Emmanuel Macron a obtenu neuf millions de voix en 2022. La liste de la majorité en avait récolté cinq en 2019. Ce qui m’intéresse, ce sont les quatre qui restent, calcule le député européen Horizons Gilles Boyer. Avant de regarder les transferts de voix, concentrons-nous sur les macronistes qui s’abstiennent. » Pour cela, il demeurera malgré tout un vrai handicap : Renaissance, le parti présidentiel, a toujours le plus grand mal à exister sur le terrain.

« On a souffert de la séquence finances publiques, assurance chômage, fonctionnaires », veut-on croire à l’Élysée pour expliquer la mauvaise passe de la liste Hayer. La succession de faits divers a également beaucoup mis en difficulté la majorité. Ce mois-ci, dans le baromètre Ipsos-La Tribune Dimanche, le niveau de la délinquance devient ainsi la deuxième préoccupation des Français, progressant de 7 points. D’ores et déjà, pour s’en sortir, dans l’entourage présidentiel, on mise beaucoup sur un rendez-vous. « On jouera très gros sur l’émotion du 6 juin », reconnaît un proche du chef de l’État. Ce jour-là, à soixante-douze heures du vote, Emmanuel Macron prononcera un autre grand discours.

Ludovic Vigogne

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