Musique : « Le rap n’est pas une musique contestataire par essence », estime le chercheur Paco Garcia

, Musique : « Le rap n’est pas une musique contestataire par essence », estime le chercheur Paco Garcia
, Musique : « Le rap n’est pas une musique contestataire par essence », estime le chercheur Paco Garcia

Depuis quelques années, le rap est à son apogée commercial. « Plus qu’un simple genre musical, c’est toute une esthétique qui infuse la culture populaire », écrivez-vous dans votre livre.

À l’origine, le hip-hop n’est pas seulement une musique. C’est toute une culture avec différentes disciplines, le breakdance et le graffiti. Aujourd’hui, le rap, comme d’autres mouvements culturels, n’est plus simplement une question de musique. Les produits culturels se déclinent, avec des livres, des films, des séries, jusqu’aux inévitables produits dérivés, qui s’emparent de cette esthétique.

Les artistes, lâchés par les maisons de disques, sont forcés…

Depuis quelques années, le rap est à son apogée commercial. « Plus qu’un simple genre musical, c’est toute une esthétique qui infuse la culture populaire », écrivez-vous dans votre livre.

À l’origine, le hip-hop n’est pas seulement une musique. C’est toute une culture avec différentes disciplines, le breakdance et le graffiti. Aujourd’hui, le rap, comme d’autres mouvements culturels, n’est plus simplement une question de musique. Les produits culturels se déclinent, avec des livres, des films, des séries, jusqu’aux inévitables produits dérivés, qui s’emparent de cette esthétique.

Les artistes, lâchés par les maisons de disques, sont forcés de devenir des entrepreneurs

Pourquoi faut-il, selon vous, relativiser la culture « contestataire » du rap ?

Ce n’est pas une musique contestataire par essence. Les premiers rappeurs français ne sont pas des militants en puissance. Même le rap étasunien, issu des ghettos noirs, n’a pas d’autre revendication que d’occuper l’espace public pour faire la fête. Il faut relativiser et remettre dans son contexte le caractère « contestataire ». Au début des années 1990, le rap est mis en avant par les grandes maisons de disques, avec le trio de tête : NTM, IAM, MC Solaar. En 1996, la loi Toubon oblige les radios à diffuser de la musique en langue française. Elle exige 40 % de nouveautés francophones sur les ondes. Tout se joue avec cette disposition législative qui crée ses effets. Par opportunité, les maisons de disque investissent dans le rap. Et la radio Skyrock en profite pour sortir de sa concurrence avec NRJ et Fun radio. Elle se convertit à ce nouveau mouvement, qu’elle va présenter comme la musique de l’altérité, banlieusarde et contestataire.

Dans les années 2000, l’industrie de la musique subit « la crise du disque » …

2002 est la dernière année de croissance des ventes de disques. Ensuite, les chiffres d’affaires chutent. Pour les majors, le seul responsable est le téléchargement illégal : le « piratage ». C’est une réalité partielle. Tous les économistes ne sont pas d’accord. Cette crise a été plus certainement causée par l’avènement du numérique. La consommation culturelle s’est reportée vers d’autres formes, comme le DVD, le PC ou même le spectacle vivant.

Le nombre de nouveautés baissent à partir de 2003, pour devenir négatif en 2007-2008. Qu’est-ce que cela signifie ?

Le principe d’une maison de disques est d’investir dans des pépites, dans l’optique de gagner beaucoup d’argent quand elles auront « percé ». À partir des années 2003, elles prennent moins de risques, cassent les contrats et n’assurent plus le renouvellement du vivier.

Et le rap en est la première victime ?

Les rappeurs se multipliaient, mais les opportunités se raréfiaient. Le rap était alors considéré, par les majors, comme le genre musical le moins profitable, car victime du piratage par ses auditeurs, plutôt jeunes et issus des classes populaires. Les maisons de disque se sont déportées vers d’autres genres, notamment le pop rock et lâchaient les artistes en plein désert.

Le rap est « criminalisé » à partir de cette période… Vous dîtes même que « l’argument de vente des années 1990 devient l’argument de l’aversion des années 2000 ».

Beaucoup de facteurs s’entrechoquent. Outre la crise du disque, nous entrons dans un contexte politique crispé. Dès 2003, Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, puis président de la République, fait de l’identité et de la sécurité, deux thèmes principaux de son mandat, avec des députés qui suivent sa campagne contre les rappeurs qui auraient propagé une « haine de la France » et un « racisme anti blanc ».

Après les émeutes de 2005, les rappeurs sont réduits au rôle de représentants des banlieues…

C’était déjà le cas dans les années 1990, mais les rappeurs étaient invités pour parler de leur musique par les médias qui en profitaient pour poser des questions sur les banlieues. Après 2005, la musique passe au second plan. Ils ne sont plus forcément considérés en tant qu’artistes. On les invite en tant que représentants des banlieues ou de la question postcoloniale.

Pendant ce temps, Skyrock réoriente sa programmation vers le RNB et le rap américain ?

Comme toutes les radios, Skyrock a des relations privilégiées avec les majors du disque. Elle a toujours orienté sa programmation vers leurs artistes, français ou américains. Le contexte politique et la crise générale du disque la poussent à modifier sa programmation, jusqu’à supprimer, en 2007, « les émissions spé » qui étaient la fenêtre des artistes émergents.

Dans les années 2000, le rap se joue alors dans des coins obscurs. C’est le début des clashs et la génération des « rois sans couronne »…

Il y a toujours eu des « clashs » ou « battles » dans le rap, mais la raréfaction des ressources engendre des inimitiés. Les rivalités en sont d’autant plus exacerbées. Les artistes, lâchés par les maisons de disques, sont forcés de devenir des entrepreneurs. Le rap ressemble alors à un iceberg. Les artistes signés par les maisons de disques, comme Booba ou Diam’s, en sont la partie émergée. La partie immergée est un monde d’indépendances.

Comment ce « monde d’indépendances » va-t-il surgir ?

Ce monde des années 2000 ne se comprend pas sans internet et les réseaux sociaux. Jul et PNL sont, par excellence, des artistes issus de ce « monde des indépendances ». Ce sont des médias en ligne spécialisés dans le rap tels que Daymolition qui vont le rendre visible. Ces sites, qui vont ensuite migrer sur les réseaux sociaux, vont principalement faire des vidéos pour le grand public. Ils participent à créer une alternative au système des maisons de disques tel qu’il l’était.

Au début d’internet, le rap n’a jamais aussi peu vendu, mais n’a jamais été aussi visible…

À cette époque, la seule façon d’écouter de la musique était encore l’achat de CD. De 2008-2009 jusqu’en 2013, il n’y a pratiquement que Sexion d’assaut et Maître Gims qui vont vendre des disques. Il a fallu attendre pour que cette visibilité se monétise.

On parle aujourd’hui du « deuxième âge d’or » du rap français…

La révolution du streaming (diffusion en continu, NDLR) a « sauvé » le rap. Elle a valorisé le travail amorcé dans les années 2000. En 2015, quand les acteurs de la musique ont considéré le streaming, le rap a remonté la pente jusqu’à devenir un genre dominant de l’industrie musicale française.

« Daymolition raconte le rap français », de Paco Garcia, éd. Glénat, 240 p., 39, 95 €.

Cette chronique est reproduite du mieux possible. Si vous désirez apporter des explications sur le sujet « Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne », vous avez la possibilité de d’échanger avec notre rédaction. Notre plateforme sorbonne-post-scriptum.com vous conseille de lire cet article autour du thème « Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne ». La fonction de sorbonne-post-scriptum.com est de rassembler sur le web des données sur le sujet de Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne et les diffuser en répondant du mieux possible aux interrogations des gens. En consultant régulièrement nos pages de blog vous serez au courant des prochaines publications.