Le JDD. Selon les scénarios de l’INSEE, il y aurait d’ici à 2050 entre 32 millions et 36 millions de ménages, contre 30 millions en 2018 et 22 millions en 1990. Comment expliquer cette tendance ?
Gérard-François Dumont. Il est vrai que le nombre de ménages est appelé à augmenter en France. Une première explication, effet mécanique de la pyramide des âges de la France, tient au vieillissement de la population, précisément à l’augmentation du nombre de personnes âgées, ce que j’appelle la gérontocroissance. L’autre élément important, plus aléatoire, est le phénomène migratoire. Si l’immigration continue à demeurer élevée dans les prochaines décennies, cela entraînera obligatoirement une augmentation non négligeable des ménages.
Ceci nous ramène à la difficulté de toute projection, toujours liée aux hypothèses retenues. En particulier, dans cette étude de l’INSEE qui peut être critiquée sur un point, l’hypothèse d’arrivée migratoire est relativement faible. C’est un problème permanent dans toutes les projections démographiques de l’INSEE, à chaque fois, il y a un souci d’être politiquement correct, et donc de faire des hypothèses migratoires sous-évaluées par rapport à ce que l’on constate au moment de l’établissement de la projection.
La dernière loi immigration ne prépare pas une diminution des flux migratoires ; on voit donc difficilement comment l’immigration pourrait baisser au niveau des hypothèses faibles faites par cette étude. Donc, si le nombre de ménages augmente davantage, cela signifie un besoin équivalent de résidences principales et appelle en conséquence une révision de la politique actuelle du logement qui, en raison de sa nature malthusienne, se traduit par une forte diminution des mises en chantier.
Les comportements des populations sont assez liés aux évolutions législatives
Si les ménages sont de plus en plus nombreux, les modes de vie changent. On note une accélération de l’individualisation des comportements dans les prochaines décennies. Est-ce la manifestation de notre incapacité à créer des liens ?
Les comportements des populations sont assez liés aux évolutions législatives. S’il est très probable que le nombre de familles monoparentales augmente en raison du choix des personnes d’avoir des enfants sans être en couple, ou en raison de l’évolution des divorces, le vote par le Parlement en 2021 de la PMA pour les femmes, apporte également une explication. Les pouvoirs publics financent désormais la possibilité d’avoir un enfant pour des femmes seules, ce qui va se traduire par de nouvelles familles monoparentales.
Certes, on peut considérer qu’il y a une certaine individualisation dans les comportements, il ne faut cependant pas oublier que des lois poussent la société à s’individualiser. On pourrait citer aussi l’évolution de la fiscalité avec le prélèvement à la source qui encourage à une individualisation des impôts et à la suppression de la notion de foyer fiscal.
Il faut constater l’importance de l’affaiblissement des conditions légales encourageant les individus à vivre ensemble
Le ressort principal de cette croissance n’est pas l’augmentation globale de la population, mais l’explosion du nombre de personnes vivant seules. En quoi ces évolutions se font-elles au détriment du modèle du couple avec ou sans enfant ?
L’évolution principale ne tient pas à la hausse du nombre de personnes célibataires, mais à l’augmentation du nombre de personnes vivant seules soit en raison d’un choix personnel, soit en raison d’un divorce, ou parce que les enfants ayant grandi ont quitté la famille monoparentale, soit de personnes âgées qui sont éventuellement seules ou en situation de veuvage, notamment en raison de la différence d’espérance de vie entre les hommes et les femmes.
Il est certain qu’aujourd’hui la mise en couple ne procure pas tellement d’avantages significatifs et peut même engendrer la perte de conditions sociales liées à la situation de familles monoparentales. Il y a des lois qui facilitent une individualisation des comportements, ce qui peut se traduire effectivement par davantage de ménages unipersonnels ou de foyers monoparentaux. On pense notamment au divorce par consentement mutuel qui facilite la séparation entraînant au passage une augmentation du nombre de ménages.
À cela peuvent s’ajouter aussi des évolutions dans les comportements de cohabitation : des personnes peuvent considérer que vivre en couple est plus compliqué que vivre séparément, car cela se traduit par ce qu’on appelle en science économique des « coûts de promiscuité ». Ceci se constate par exemple avec le développement de couples qui ont des proximités sentimentales, mais qui continuent d’habiter dans des logements différents. L’intensité future de tous ces phénomènes comportementaux est difficile à prévoir, mais il faut constater l’importance de l’affaiblissement des conditions légales encourageant les individus à vivre ensemble à l’instar du fort rabotage de la politique familiale.
* Auteur de Populations, peuplement et territoires en France, Éditions Armand Colin.
** « Population & Avenir » www.population-et-avenir.com
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