Professeure en intelligence artificielle à la Sorbonne et chercheuse au CNRS, Laurence Devillers estime qu' »on est en train d’oublier l’humain dans la boucle, on ne pense qu’au profit ». Elle assure que « des métiers vont disparaître ».
« Ce n’est que le début et il faut anticiper beaucoup plus » a alerté jeudi 21 septembre sur franceinfo Laurence Devillers, professeure en intelligence artificielle (IA) à Sorbonne université et chercheuse au CNRS, après l’annonce de la suppression d’ici juin 2024 de 217 emplois au sein du groupe Onclusive, remplacés par l’intelligence artificielle.
franceinfo : Cette entreprise installée à Courbevoie qui supprime plus de la moitié de ses effectifs pour les remplacer par l’intelligence artificielle, ce n’est que le début ?
Laurence Devillers : Ce n’est que le début et il faut anticiper beaucoup plus que ce qu’on fait. Dans le travail, il y a une part de mérite, de créativité et de responsabilité. Là, on est totalement en train d’oublier l’humain dans la boucle, on ne pense qu’au profit. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ces IA ne seront pas parfaites, elles ne feront qu’une partie du travail. Il faut travailler en coopération avec elles, comprendre leur niveau d’intérêt dans les différents métiers.
Les syndicats de l’entreprise concernée en appellent aux pouvoirs publics. Que peuvent faire le gouvernement et l’Europe ?
L’Europe est en train de faire une loi sur l’intelligence artificielle, avec justement un contrôle des risques, et c’est cette surveillance qu’il faut mettre en œuvre. On a besoin de ces outils, mais ce qui serait atroce serait de laisser ces IA générer des textes avec une part d’incertitude très forte, sans vérification, et que ces documents nourrissent de nouvelles IA.
En quoi l’intelligence artificielle est-elle différente de l’intelligence humaine ?
L’intelligence artificielle regarde dans tous les détails, scrute avec un niveau d’acuité que n’a pas l’humain. Mais par contre, elle reprend tout, sans aucune compréhension de ce qui est écrit. Donc je pense qu’il y a une irresponsabilité de la part de dirigeants : si on ne surveille pas ces IA, on va aller vers une dégradation de l’intelligence collective. Je ne comprends pas que ce soit aussi peu sérieux.
Des métiers vont-ils disparaître ?
Des métiers vont disparaître. Tout ce qui est automatisable, notamment dans le secteur bancaire ou celui des informations. Même si ce sont des tâches qui vont être remplacées, avant les métiers, il faut sauvegarder les métiers et surtout avoir confiance. On a besoin de nouvelles créativités dans tous les métiers et ce ne sont pas les IA qui les auront.
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