INTERVIEW. Les secrets redécouverts du Mas-d’Azil : une plongée dans l’art pariétal du paléolithique

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Carole Fritz, Directrice de Recherche au CNRS, dévoile les dernières découvertes sur l’art pariétal du Mas-d’Azil (Ariège), où son équipe s’engage dans une vaste étude des représentations graphiques des grottes. Dans cette interview, la scientifique aborde les techniques et les premières découvertes passionnantes de cette aventure archéologique au coeur des Pyrénées.

Le Mas-d’Azil révèle de nouveaux secrets. La célèbre grotte ariégeoise est actuellement étudiée par l’équipe de Carole Fritz. La Directrice de recherche au CNRS et membre de l’UMR 8220 du Laboratoire d’Archéologie Moléculaire et structurale de l’Université Paris-Sorbonne a dévoilé, vendredi 3 novembre, au public les dernières découvertes concernant l’art pariétal du Mas-d’Azil.

Entre 2023 et 2025, les archéologues vont procéder au relevé exhaustif de toutes les représentations graphiques (peintures ou gravure) présentes sur les parois de la grotte du Mas d’Azil et d’en fournir une version exploitable au Conseil départemental. Une plongée dans l’art du paléolithique mais aussi une façon de comprendre comment nos ancêtres ont investi ces grottes. Entretien avec Carole Fritz, en charge de cette opération et directrice scientifique de la grotte Chauvet.

France 3 Occitanie : que représente pour vous la grotte du Mas-d’Azil ?

Carole Fritz : C’est une longue histoire entre la grotte et moi. Je suis directrice de recherche au CNRS et ma spécialité est l’art paléolithique, couvrant une période allant d’environ moins 40 000 à moins 12 000 ans. L’art paléolithique englobe non seulement les grottes ornées, mais aussi les objets décorés, tels que ceux que l’on peut observer au musée du Mas ou au musée d’archéologie nationale. Je connais ce site depuis très longtemps, car une partie de ma thèse lui a été consacrée. Le Conseil départemental nous a demandé de reprendre l’étude de l’art pariétal, c’est-à-dire les dessins sur les parois. Bien que cela ait déjà été observé dans les années 1980 par Denis Vialou, aucune publication n’avait été faite, à l’exception de la galerie Breuil. Notre objectif est donc d’examiner de manière exhaustive les autres galeries.

France 3 Occitanie : Comment se déroule votre chantier de recherche ?

Carole Fritz : Les conditions sont assez difficiles en réalité. Les plafonds sont très bas, nous ne pouvons jamais nous tenir debout. Nous sommes constamment accroupis ou en train de ramper, car les gravures et les dessins se trouvent sur les plafonds. Cela est physiquement éprouvant.

En raison des galeries étroites, il y a peu de personnel sur le chantier, soit 7 personnes, y compris des spécialistes de la 3D. Pour ma part, avec Gilles Tosello, nous nous concentrons sur l’art paléolithique, notre spécialité.

France 3 Occitanie : Quelles sont vos premières découvertes ?

Carole Fritz : Il y a beaucoup d’informations nouvelles, car les galeries dans lesquelles nous travaillons actuellement ne sont pas bien connues. Elles ont été assez endommagées dans les années 1930 par une personne nommée Joseph Mandement, qui a creusé de grandes tranchées dans la grotte. Cependant, nous découvrons progressivement des éléments. Nous sommes actuellement dans une première phase de découverte et d’inventaire. Le travail est long et minutieux car les gravures sont très fines, et nous avons besoin d’un éclairage rasant, ce qui prend beaucoup de temps. Parallèlement, nous utilisons la 3D pour obtenir les supports nécessaires à la création des dessins des représentations qui se trouvent sur la paroi.

France 3 Occitanie : Quelles techniques utilisez-vous actuellement ?

Carole Fritz : Nous utilisons la 3D, mais aussi l’éclairage, qui a beaucoup évolué. Aujourd’hui, nous disposons de panneaux LED souples que nous pouvons emporter sous terre dans des conditions particulières, car ils peuvent se plier. Cela permet d’éviter de toucher les parois, auxquelles nous devons faire très attention.

Par exemple, nous ne pouvons pas apporter de lampes qui chauffent. Les LED nous offrent un meilleur confort visuel que par le passé. Grâce à ces lumières, combinées à la 3D, nous pouvons avoir une vue d’ensemble sur une surface d’environ 100 m² où se trouvent des gravures. Cela nous permet de mieux comprendre ce que nous voyons sur le plafond. Pour la partie sur laquelle nous travaillons actuellement, nous avons devant nous des décors datant du Magdalénien, c’est-à-dire entre 16 et 14 000 ans.

Le Mas d’Azil est connu pour ses objets appartenant à cette culture, qui est la culture dominante des Pyrénées centrales. On y trouve des représentations de bisons, de chevaux, ainsi qu’une magnifique figure appelée le masque anthropomorphe, connue depuis longtemps. Il est important de noter que cette figure est très spécifique au Mas d’Azil, car la représentation humaine ne correspond qu’à environ 7 % de l’ensemble du corpus du paléolithique supérieur. La présence de telles figures au Mas d’Azil est significative et représente en quelque sorte la spécificité de cette grotte. Le Mas d’Azil est interprété comme un site d’agrégation du Magdalénien, c’est-à-dire un lieu où plusieurs groupes se rassemblaient pour échanger des objets, mais aussi des personnes en vue de mariages.

Les techniques de l’art pariétal sont connues depuis la grotte Chauvet. La majorité de l’art paléolithique est constituée de gravures, bien que cela soit moins connu du grand public. Les grottes les plus célèbres, comme Chauvet et Lascaux, sont surtout connues pour leurs peintures. Cependant, la majorité des grottes présentent des incisions sur la paroi, réalisées avec du silex et d’une grande qualité. Au Mas d’Azil, il n’y a pas de palimpsestes, c’est-à-dire de multiples gravures superposées, comme on peut en trouver dans certaines grottes. En ce qui concerne le fonctionnement, il est encore un peu tôt pour émettre des hypothèses.

France 3 Occitanie : Pensez-vous qu’il y a encore beaucoup de choses à découvrir sur cette période, notamment dans les Pyrénées ?

Carole Fritz : Oui, les sites pyrénéens, en particulier des sites comme le Mas-d’Azil, fouillé dès 1887 par Edouard Piet, ont encore beaucoup à nous révéler. Nos perspectives changent, et nous avons un regard renouvelé sur ces sites et sur l’art du paléolithique, grâce à notre expérience à la grotte Chauvet.

France 3 Occitanie : Que voulez-vous dire par « nouveau paradigme » ?

Carole Fritz : Nous abordons le paléolithique d’une manière différente, en utilisant notamment les techniques que nous avons mises en œuvre à Chauvet. Nous appliquons toutes ces techniques d’étude de la grotte Chauvet au Mas-d’Azil, avec la même équipe. Les personnes travaillant avec moi sont celles qui ont travaillé à Chauvet. Nous bénéficions ainsi de notre expertise, qui a beaucoup évolué, ainsi que de notre compréhension en constante évolution de ces sociétés. En quelque sorte, il est peut-être préférable d’arriver seulement maintenant au Mas-d’Azil.

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