Jeux olympiques : « c’est leur politisation qui a assuré leur survie », assure l’historien Fabien Archambault

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Fabien Archambault.
Fabien Archambault.

Céline Nieszawer / Flammarion

Né en 1975, Fabien Archambault est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-1 Panthéon Sorbonne depuis 2020. Spécialiste des cultures sportives, il a déjà publié en 2022 « Coups de sifflet – Une histoire du monde en onze matchs » aux éditions Flammarion.

Depuis la renaissance des Jeux olympiques, des milliers de médailles ont été distribuées. Comment en avez-vous retenu seulement douze ?

Il fallait d’abord avoir envie de raconter une histoire qui puisse intéresser aussi un lecteur qui n’est pas forcément passionné par le sport. Les médailles que j’ai retenues s’inscrivent dans un contexte historique. Le sport est un merveilleux moyen de parler de politique…

Fabien Archambault.
Fabien Archambault.

Céline Nieszawer / Flammarion

Né en 1975, Fabien Archambault est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-1 Panthéon Sorbonne depuis 2020. Spécialiste des cultures sportives, il a déjà publié en 2022 « Coups de sifflet – Une histoire du monde en onze matchs » aux éditions Flammarion.

Depuis la renaissance des Jeux olympiques, des milliers de médailles ont été distribuées. Comment en avez-vous retenu seulement douze ?

Il fallait d’abord avoir envie de raconter une histoire qui puisse intéresser aussi un lecteur qui n’est pas forcément passionné par le sport. Les médailles que j’ai retenues s’inscrivent dans un contexte historique. Le sport est un merveilleux moyen de parler de politique, de diplomatie, de culture et d’économie. Grâce à ces 12 exemples, on en apprend un peu plus sur notre monde au XXe siècle, l’américanisation, la guerre froide, la décolonisation ou la lutte des femmes. Je voulais aussi éviter l’écueil de la glorieuse histoire des Jeux olympiques, trop souvent anecdotique. Si on parle des Jeux de Mexico en 1968, on ne peut pas ne pas parler du poing levé et ganté de noir de Tommie Smith et John Carlos, mais l’intérêt était de dérouler une histoire que tout le monde croit connaître.

Il y a un discours qui prétend séparer le sport de la politique. Or, votre livre montre que, dès leur renaissance, les Jeux sont politiques.

Pierre de Coubertin est le symbole de cette aristocratie qui ressuscite l’olympisme et ne veut pas en perdre le contrôle. Le projet initial est d’adapter la France à la culture sportive britannique, celle de l’élite et de la haute société, confrontée aux premières tentatives de démocratisation. La naissance du Comité international olympique (CIO) obéit à la volonté de contrôler l’internationalisation. Mais la création des JO n’a pas été un long fleuve tranquille. En fait, c’est même leur politisation, via la commercialisation « made in America », la soviétisation et le sport d’État, ainsi que la décolonisation, qui a assuré leur survie. Les Jeux se sont révélés assez plastiques pour absorber cette diversité politique.

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La star du rugby français a réussi une adaptation idéale au 7 avec une victoire dès son deuxième tournoi à Los Angeles. Il a déjà permis aux Bleus de franchir un cap dans une saison qui les mènera aux Jeux olympiques

“Personne n’a réussi à faire la différence entre un 100 mètres communiste et un 100 mètres capitaliste”

Vous rappelez que, de 1912 à 1948, les arts et les lettres participaient aux Jeux.

Il y avait en effet cinq épreuves de littérature, musique, peinture, sculpture et architecture. Parce que Coubertin et ses amis avaient un projet global, celui de restaurer un ordre plus tourné vers le XIXe siècle que vers le XXe, et le sport n’est qu’un des outils pouvant servir à ce projet. Mais le monde de Coubertin est déjà en train de disparaître avec la marchandisation de l’art, qui prendra le dessus après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. En 1924, le jury musique se compose de Ravel, Fauré, Honegger ou encore Bartók, qui ne décernent aucune médaille parce qu’ils trouvent les œuvres présentées complètement nulles.

Vous consacrez bien sûr un chapitre aux Jeux de 1936 à Berlin, en rappelant qu’il y a eu des contre-Jeux à Barcelone.

C’est un épisode oublié, d’autant plus que ces Jeux antifascistes ont eux-mêmes été percutés par la guerre civile espagnole et la tentative de coup d’État du général Franco. En 1936, les acteurs du sport sont confrontés à leurs contradictions sur la soi-disant dépolitisation du sport. Au point même que, pour convaincre de nombreux sportifs de se rendre en Allemagne nazie, le discours officiel assure que le sport va au contraire transformer le peuple allemand de l’intérieur et rallumer en lui les valeurs de la démocratie. Barcelone, en 1992, est la dernière tentative d’olympiade socialiste, car personne n’a réussi à faire la différence entre un 100 mètres communiste et un 100 mètres capitaliste.

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Les Jeux de Munich, en 1972, sont marqués par les sanglants attentats palestiniens contre Israël, mais ils entrent aussi dans l’histoire pour la finale de basket.

Les attentats ont évidemment pris le dessus dans les mémoires, mais l’URSS remporte d’un seul point, à la dernière seconde, la finale de basket contre les États-Unis. On est en pleine guerre froide, et 1972 reste aussi l’année où l’Américain Bobby Fischer détrône le champion du monde d’échecs, le Russe Boris Spassky. Popularisé et répandu aux États-Unis par la puissante association protestante YMCA [Young Men’s Christian Association, NDLR], le basket ne devient sport olympique qu’en 1936, et l’objectif des Soviétiques est de battre les maîtres de ce sport. Leur victoire sur le fil entraînera un tsunami diplomatique et il faudra attendre vingt ans et les Jeux de Barcelone de 1992 pour que la « Dream Team » de Michael Jordan et Magic Johnson efface ce traumatisme américain.

Le chapitre Montréal 1976 vous permet d’évoquer le boxeur cubain Teófilo Stevenson, triple champion olympique et symbole de l’amateurisme d’État communiste.

Tout le monde considérait qu’il aurait pu être l’un des plus grands poids lourds de la boxe, voire le plus grand. S’il était passé professionnel, il aurait pu se mesurer à Mohamed Ali. Par idéal et patriotisme, Stevenson a refusé les ponts d’or que lui offraient les promoteurs américains et il est resté à Cuba, où Fidel Castro lui avait offert deux maisons et deux Lada ! Ce qui m’intéresse à travers son histoire et celle d’autres champions, ce n’est pas un destin tragique, plutôt un destin jamais heureux, une certaine amertume. Il faut des années de souffrance et de sacrifices pour conquérir une médaille d’or, mais tout vous semble ensuite fade et inutile. D’où le nombre de sportifs de haut niveau qui sombrent dans la dépression.

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Dans tous ces Jeux, quelle est l’image ou le sportif qui vous revient d’abord en mémoire ?

Je dirais Abebe Bikila, le champion du marathon aux Jeux de Rome en 1960. Il remporte un des marathons les plus rapides de l’histoire en courant pieds nus sur un parcours délirant. En s’imposant dans la capitale de l’ancienne Italie fasciste qui avait colonisé son pays, l’Éthiopie, il est le symbole de la période de la décolonisation, qui va forcer la porte de l’histoire des Jeux. Il devient un héros national mais, après un deuxième titre en 1964, sa fin de vie sera tragique. Après un accident à bord de sa Coccinelle en 1969, il finira tétraplégique et mourra en 1973.

« Les légendes du siècle. Une histoire des Jeux en douze médailles », de Fabien Archambault, éd. Flammarion, 251 p., 19 €, ebook 13,99 €.

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