Justine Lecuyer, docteure en histoire de l’art, donne son regard, à Moulins, sur le mobilier des XXe et XXIe siècles

Justine Lecuyer, docteure en histoire de l’art (Sorbonne, Centre André-Chastel), est la conférencière des nouveaux cours du patrimoine et des métiers d’art.
Justine Lecuyer mène des recherches sur les arts décoratifs, l’histoire des techniques et le mobilier textile. Sa thèse de doctorat porte sur les tapissiers-décorateurs entre 1848 et 1914. Elle a perfectionné sa formation sur le textile au Centre international des textiles anciens à Lyon. Elle est aujourd’hui Attachée temporaire d’enseignement et de recherche à la Sorbonne.Justine Lecuyer, docteure en histoire de l’art à la Sorbonne, chercheuse au Centre André-Chastel. Photo  Geoffroy Lasne

À Moulins, elle présente l’histoire du mobilier et les différents styles artistiques qui l’ont façonné aux XXe et XXIe siècles. Naissance de l’Art nouveau (le cours a déjà eu lieu) ; mouvement Art déco, mardi 19 mars (l’exposition de 1925 entre tradition et modernisme) ; mobilier des Trente glorieuses le 2 avril (besoin de reconstruction après la guerre, jusqu’à l’apparition du mobilier en plastique) ; enfin, le design aujourd’hui, en lien avec la Maison des métiers d’art et du design et la création contemporaine, le 30 avril.

Comment se déroulent ces cours ?

À chaque fois, je présente les grandes thématiques, les réalisations et créateurs phares. J’aborde aussi l’évolution du XXe sous le prisme des modes de vie, de l’habitat. Comment en édite du mobilier aujourd’hui, comment se fait le lien entre artisanat et industrie, par exemple l’enseigne Ikéa qui fait appel à des designers. Dans le même temps, on a un centre d’artisanat d’art à Moulins, on recherche encore des verriers pour des productions à la commande. Cela forme une boucle avec l’Art nouveau, qui connaissait la même dialectique.

Faites-vous le lien avec l’histoire sociale ?

Comme au XIXe siècle, on a différents publics, en fonction du budget. Au début du XXe, on peut se meubler dans les grands magasins, quand l’élite recourt au sur-mesure… Comme encore aujourd’hui. On prend le prisme du plus beau, mais on ne s’intéresse pas beaucoup au quotidien. En cent ans, ce regard sur la société n’a pas forcément changé.

Fusions de métaux et de talents à la Maison des métiers d’art, à Moulins

Quels nouveaux comportements notez-vous au XXIe siècle ?

Le renouvellement du mobilier est beaucoup plus rapide. Au début du XXe, on avait un ameublement pour une vie, qu’on acquerrait au moment du mariage. Aujourd’hui, on change sa literie, sa déco, comme pour la mode. On achète des produits de moins bonne qualité, qu’on renouvelle. Faire découvrir la création contemporaine, c’est inciter à acheter moins et mieux, à aller voir des artisans d’art, sensibiliser à la qualité de notre environnement et de notre cadre de vie.

Plongée dans les univers des quatre artisans-résidents de la Maison des métiers d’art, à Moulins

Depuis quand étudie-t-on ces sujets en France ?

C’est plus ancien chez les Anglo-Saxons, mais je dirais une quinzaine d’années en France, à l’échelle de la recherche de l’art. Le sujet intéresse de plus en plus de chercheurs. Cela s’inscrit dans ce grand débat entre arts majeurs et mineurs, artistes et artisans. Mes cours universitaires intéressent les étudiants se destinant au marché de l’art, comme des commissaires-priseurs. À Moulins, le premier cours a réuni 40 personnes, qui avaient beaucoup de questions !

Ariane Bouhours