Etudiants et Anciens Elèves de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – Sorbonne Post-Scriptum
Pour fuir le scandale, Marie Curie se réfugie en Bretagne
Le 4 novembre 1911, le quotidien Le Journal révèle la liaison entre la célèbre physicienne Marie Curie et son confrère, le scientifique Paul Langevin, marié et père de quatre enfants. C’est un scandale pour l’époque ! Toute la presse en parle, certains titres n’hésitent pas à accuser la « Polonaise » de « briser un bon ménage français »…
Personnalité de la science mondiale, Marie Curie est alors âgée de 39 ans. Veuve depuis cinq ans, après la mort tragique de son époux dans un accident, elle a remplacé Pierre Curie à la Sorbonne, devenant ainsi la première femme à occuper un poste de professeur dans une université française. Elle s’apprête à recevoir, quelques jours plus tard, un second Nobel de chimie, après celui de physique partagé en1903 avec son mari et Henri Becquerel pour leur découverte du radium.
La découverte de l’Arcouest
Au début du mois de juin 1912, son appartement est saccagé par trois fois en une semaine par les militantes de la Ligue patriotique des Françaises, qui lui reprochent son adultère. L’histoire de cet amour interdit devient même une affaire d’État : le conseil des ministres va jusqu’à évoquer l’expulsion de la physicienne du territoire français ! Alors quand vient la fin de l’année universitaire, elle décide de fuir la capitale avec ses filles, Irène et Ève, pour se réfugier en Bretagne, loin du tumulte. La famille Curie se rend dans les Côtes-d’Armor à l’invitation de deux amis, le physicien Jean Perrin et le mathématicien Émile Borrel, qui ont pris l’habitude de venir se ressourcer avec d’autres universitaires parisiens dans le
village de Ploubazlanec (22), près de Paimpol, et plus précisément à la pointe de l’Arcouest. « C’est une communauté sympathique dans un endroit totalement à l’abri d’un tourisme de masse, expliquait l’historien Jean des Cars, en 2020, sur Europe 1. À l’Arcouest, Marie Curie apprécie que ses collègues lui apportent leur soutien dans ces moments pénibles et succombe au charme de l’endroit… »
Une habituée de la Bretagne
Si Marie Curie s’attache à ce coin de la péninsule armoricaine, c’est qu’elle y a déjà mis les pieds. Elle a, en effet, parcouru la région à vélo des années auparavant en compagnie de Pierre Curie. Lors de leur mariage, en 1895, le couple a reçu comme cadeau, deux bicyclettes. Dès lors, les jeunes mariés n’hésitent pas à partir à l’aventure dès qu’ils en ont l’occasion, en région parisienne, mais aussi en Bretagne, qu’ils découvrent pour la première fois l’année suivante, en longeant le littoral. C’est sans doute à ce moment-là que la jeune Polonaise se prend d’affection pour la région, puisqu’elle passe l’été 1897 en villégiature à l’hôtel des Roches Grises de Port-Blanc, petit village costarmoricain rattaché à Penvénan dans le Trégor, alors qu’elle est enceinte de sept mois.
Les charmes de « Sorbonne-Plage »
Elle reviendra, en 1906, en Bretagne, cette fois-ci à Ploubazlanec. Avec ses deux filles, elle loge d’abord chez l’habitant, puis loue une villa dans le village, avant d’acheter cette dernière en 1919. En 1925, elle fait finalement construire une maison de vacances à côté de celles de ses amis, dans la baie de Launay, sur la pointe de l’Arcouest. Face à l’île de Bréhat, le lieu, qui rassemble une communauté de savants et d’intellectuels, a été baptisé « Sorbonne-Plage » par les journalistes (lire ci-dessous). « Marie Curie partage avec ses deux filles le goût de la région, de la nage en pleine mer et des promenades dans la lande sauvage, poursuit Nathalie Huchette. Dans ces années de l’après-guerre, leur attitude bouscule les mœurs de leur temps. Elles s’habillent comme des paysannes, portant la fameuse vareuse – une blouse courte de grosse toile de coton des uniformes de matelots – sur de longues jupes avec des espadrilles enfilées pieds nus et un chapeau de toile délavée sur la tête et se baignent très peu vêtues… »
Pendant des années, jusqu’à sa mort en 1934 (à l’âge de 66 ans), Marie Curie passera régulièrement une partie de ses étés en Bretagne, alternant avec la Côte d’Azur. La maison de famille reviendra à sa fille Irène et son gendre Frédéric Joliot, puis à leurs descendants, jusqu’à aujourd’hui.
Pour en savoir plus
« L’Arcouest des Joliot-Curie », Revue de la BNF n°32, 2009. « Les grandes vacances de Madame Curie » de Nathalie Huchette/musee.curie.fr
« Marie Curie prend un amant » d’Irène Frain, Seuil, 2015.
C’est au folkloriste breton, Anatole Le Braz, que l’on doit, en quelque sorte, la naissance de ce lieu qui va rassembler près d’une trentaine de familles de scientifiques, parmi les plus brillantes du pays. À la fin du XIXe siècle, le poète originaire de Duault fait découvrir à ses amis, le biologiste Louis Lapicque et l’historien Charles Seignobos, tous deux professeurs à l’université de la Sorbonne, cette enclave isolée qu’est la pointe de l’Arcouest, face à l’île de Bréhat. « Ils sont peu à peu rejoints par des confrères et des amis : le mathématicien Émile Borel, accompagné de son épouse, l’écrivain Camille Marbo, fille de Paul Appell, doyen de la faculté des sciences de Paris, le géologue Charles Maurain, son épouse Jeanne, agrégée de mathématiques, et leur fils Jean, futur historien, puis les physiciens Jean Perrin et Marie Curie, le chimiste Victor Auger, les couples de médecins Stodel et Gricouroff, le biologiste Joseph Magrou, le sinologue Édouard Chavannes, les historiens Georges Pagès et Albert Métin, l’historien de l’art Georges Huisman et bien d’autres encore », écrit l’archiviste Michèle Sacquin dans la revue de la BNF. Cette communauté d’intellectuels parisiens humanistes partage les mêmes combats politiques : dreyfusisme, puis pacifisme, rationalisme, antifascisme… Dans l’entre-deux-guerres, cette concentration inédite de savants en villégiature ne manquera pas d’attirer les médias, qui baptiseront le lieu « Sorbonne-Plage » ou « Fort-la-Science »…
Cette chronique est reproduite du mieux possible. Si vous désirez apporter des explications sur le sujet « Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne », vous avez la possibilité de d’échanger avec notre rédaction. Notre plateforme sorbonne-post-scriptum.com vous conseille de lire cet article autour du thème « Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne ». La fonction de sorbonne-post-scriptum.com est de rassembler sur le web des données sur le sujet de Anciens et étudiant de Panthéon-Sorbonne et les diffuser en répondant du mieux possible aux interrogations des gens. En consultant régulièrement nos pages de blog vous serez au courant des prochaines publications.