Respirer plus fort que le poumon du bourreau [Le point de vue de CL]

Une vie enlevée parce qu’un terroriste islamiste n’a pas supporté que l’on puisse expliquer, débattre, confronter nos différences, s’éduquer, s’élever. Apprendre. Trouver un ennemi « à blâmer » jusqu’à le décapiter pour nous terroriser, prendre en otage et ensuite faire basculer dans le cycle infernal de la violence, de la haine, de la guerre, c’est la stratégie de tous ces fanatiques, du Hamas à Daech, de ces assassins du savoir, de la jeunesse et de la paix. Face à ce piège qui semble se refermer année après année, Samuel Paty avait choisi le chemin étroit, difficile, du dialogue, de la culture, des mots. Comme Dominique Bernard.

C’était un vendredi en fin de matinée. Un enseignant protège ses élèves, tente de raisonner un jeune homme seulement là pour tuer. Il cherchait un professeur d’histoire comme Samuel Paty, il a ôté la vie d’un homme de lettres comme Dominique Bernard. Chacun reçoit au visage et en plein cœur ces sentiments mêlés d’effroi, de haine, d’une sidération qui donne parfois des envies de vengeance même aveugle.

Comme Samuel Paty, Dominique Bernard a démontré dans sa vie que face à ces crimes d’inhumanité, sa vocation était d’enseigner des cimes d’humanité. À l’image de sa passion pour le poète René Char qui démontre qu’exiger le beau pour élever des passerelles entre chacun est toujours plus délicat que d’ériger le laid comme un mur entre tous. « Il faut beaucoup nous aimer, cette fois encore, respirer plus fort que le poumon du bourreau », écrit le poète dans ses Feuillets d’Hypnos. Comme un testament mais aussi un chemin à suivre même quand la lumière se fait de plus en plus blafarde au bout du tunnel.

Les hommages ne sont jamais vains ou le symbole d’une quelconque faiblesse teintée d’aveuglement sur la réalité. Ils ne sont bien sûr pas suffisants si aucune conséquence n’est tirée sur la sécurité de notre pays ou la fragilité de notre République face à l’islamisme politique comme terroriste. Mais ils permettent de nous raccrocher à un fil de plus en plus ténu qu’ils tentent de couper : celui de notre humanité. Pour essayer toujours de « respirer plus fort que le poumon du bourreau ».

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