« Un cœur inaccessible » : une formule paradoxale qui résume la situation singulière de la chapelle de la Sorbonne, selon Florian Michel, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Fermée après la tempête de 1999 qui l’a endommagée sérieusement, cette chapelle a été restaurée à la fin des années 2000 pour consolider ses structures défaillantes. Mais une fois les travaux finis en 2009, l’édifice a été utilisé comme espace de stockage et il reste inaccessible au public pour des raisons de sécurité. Depuis vingt-cinq ans, seuls quelques privilégiés ont pu pénétrer en son sein pour contempler ses joyaux cachés – notamment lors des Journées du patrimoine. « La chapelle de la Sorbonne structure tous les bâtiments de l’université, mais rien ne s’y passe », résume l’historien. Une situation bloquée depuis plusieurs décennies, qui constitue, selon lui, un « paradoxe, voire un scandale patrimonial ».
Une initiative étudiante soutenue par l’Université
Pour y mettre fin, plusieurs étudiants en licence d’histoire à la Sorbonne ont lancé, en novembre 2023, l’Association pour le rayonnement de la chapelle de la Sorbonne. D’abord constituée de 5 membres, l’association en compte aujourd’hui près de 80, dont une quinzaine de professeurs. L’objectif ? « La réouverture tant physique qu’intellectuelle de la chapelle », explique le président de l’association, Mathias Beauvois, c’est-à-dire l’organisation de visites, conférences, expositions et concerts. « Notre but est exclusivement patrimonial », explique-t-il, alors que l’association, aconfessionnelle, souhaite faire l’unité des étudiants et de l’université autour de ce projet.
L’administration des universités est très enthousiaste à cette idée, qui s’inscrit dans une « dynamique d’ouverture des universités », selon Pierre-Marie Chauvin, vice-président de Sorbonne-Université, alors que celles-ci ont pour mission non seulement de développer l’enseignement et la recherche, mais aussi de diffuser les savoirs dans la société.
« Un chef-d’œuvre inconnu »
Si les soutiens se multiplient, c’est que cette chapelle vaut le détour. Elle est d’abord un haut lieu de mémoire, liée à la figure du cardinal Richelieu qui la fit édifier par l’architecte Jacques Lemercier à partir de 1635. Elle abrite son tombeau, sculpté par François Girardon en 1694, qui le représente en agonie, et qui devrait être le premier élément restauré. En application de son testament, une messe annuelle était également célébrée pour le repos de son âme. La chapelle sert de mausolée à ses héritiers jusqu’en 1952. L’autre lieu de mémoire du bâtiment est sa crypte, dans laquelle reposent des étudiants et professeurs fusillés pendant l’Occupation.
D’un point de vue artistique, la chapelle est « un chef-d’œuvre inconnu », résume Charles Personnaz, directeur de l’Institut national du patrimoine. Son dôme est le premier construit à cette échelle dans le ciel de Paris, et la façade, traitée comme un temple antique avec des colonnes portant un fronton monumental, est aussi pionnière dans son genre, explique Alexandre Gady, professeur d’histoire de l’art. Enfin, d’un point de vue historique, la chapelle est « un excellent baromètre pour mesurer les relations entre l’Église, le pouvoir et l’université », selon Florian Michel.
« Un alignement des planètes »
Pourquoi la chapelle n’a-t-elle encore jamais été rouverte ? Le coût des travaux constitue indéniablement un premier obstacle ; la gestion du bâtiment est une autre difficulté, alors que de nombreuses administrations y sont impliquées. Si la Mairie de Paris est propriétaire du bâtiment, l’université en est l’affectataire et, depuis son classement en 1887, la Conservation régionale des monuments historiques en exerce le contrôle scientifique et technique. À ces lourdeurs institutionnelles s’ajouteraient, selon un rapport de 2014 de la Cour des comptes, les défaillances de la gestion immobilière de la chancellerie des universités de Paris.
« Il y a aujourd’hui un véritable alignement des planètes », ose pourtant affirmer Alexandre Gady, auteur d’une thèse sur l’architecte qui a fait construire la chapelle, et bon connaisseur du dossier. Le rectorat de l’académie de Paris, à travers la chancellerie des universités, a publié un projet de restauration de la chapelle le 11 janvier, en chiffrant à 10 millions d’euros les travaux, et à 1 ou 2 millions son ouverture au public et sa mise en valeur scientifique, culturelle et pédagogique. Il prévoit aussi la mise en place d’une gouvernance comprenant tous les acteurs – même les « autorités religieuses catholiques », qui devraient être associées selon des modalités « encore à définir », pour cette chapelle qui reste consacrée.
La Mairie de Paris, qui avait commandé les travaux de la façade et du toit, achevés en 2009, soutient le projet. Enfin, les financements et partenariats ne manquent pas : le World Monuments Fund, une ONG patrimoniale, ainsi que la Fondation pour la sauvegarde de l’art français sont très intéressés par le monument. Par ailleurs, les élèves de l’Institut national du patrimoine seraient mobilisés pour contribuer à la restauration.
Une ouverture exceptionnelle prévue pour les JO
En attendant la réouverture tant espérée, les différents acteurs se mobilisent. L’Association pour le rayonnement de la chapelle de la Sorbonne a mis en place un comité d’histoire de l’art et un comité de musicologie, pour contribuer à la valorisation scientifique du lieu. L’association organise aussi un cycle de conférences sur le cardinal Richelieu ; le professeur Olivier Chaline donne la prochaine le mardi 23 avril dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, sur « Richelieu, un homme d’Église en politique ». De son côté, Pierre-Antoine Gatier, l’architecte en chef des monuments historiques, a fait de la chapelle de la Sorbonne le thème de son séminaire annuel à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville. Une ouverture exceptionnelle est prévue pour les JO – un avant-goût de ce qui sera bientôt possible, peut-être…
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De la Révolution française à Mai 68, une histoire symbolique
Saccagée à la Révolution française, la chapelle alterne réouvertures à des fins cultuelles et utilisations à d’autres fins – amphithéâtre, etc. –, selon les régimes qui se succèdent au XIXe siècle. Seul bâtiment qui survit à la reconstruction de la Sorbonne sous la IIIe République, la chapelle devient un monument de foi au milieu d’une université laïque. Après sa fermeture en raison de la loi de 1905, l’édifice est de nouveau utilisé périodiquement pour le culte dans l’entre-deux-guerres, et entièrement sous Vichy. À la fin des années 1950, il ne reste plus que la messe annuelle à l’intention du cardinal de Richelieu, qui disparaît à son tour à la fin des années 1970, alors qu’elle avait été annulée une première fois après les événements de Mai 68. Si certains étudiants plaidèrent jusqu’au début des années 2000 pour que soit célébrée une messe dans la chapelle de la Sorbonne – qui reste consacrée –, ils n’obtinrent jamais l’autorisation. La messe des étudiants de la Sorbonne est célébrée à l’espace Cardinal, l’aumônerie catholique des étudiants du Quartier latin, juste en face de l’entrée de l’université.
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