Des partisans du Front Al-Nosra, affilié syrien d’Al-Qaïda, brandissent des drapeaux et pancartes hostiles à Bachar al-Assad et dénonçant les États arabes qui luttent contre Daech lors d’une manifestation à Alep, en septembre 2014.
©ZEIN AL-RIFAI AFP
Bonnes feuilles
Alexandre Del Valle et Jacques Soppelsa publient « Vers un choc global ? La Mondialisation dangereuse ». Avec la guerre en Ukraine qui s’installe dans le temps long et la présence de la Chine dans tous les domaines de l’économie, le monde entre dans une nouvelle phase géopolitique après les trente ans de domination américaine qui ont marqué l’effondrement de l’Union soviétique. Extrait 1/2.
D’après une étude de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) qui a recensé les attentats djihadistes dans le monde sur les quarante dernières années, le terrorisme islamiste aurait tué 167 000 personnes entre 1979 et 2019 pour 36 000 actes terroristes perpétrés aux quatre coins du globe. À ce chiffre, il convient d’ajouter au moins 3 000 morts en 2020, ce qui nous amène à un total de 170 000 morts début 2021. Si la France est le pays européen le plus touché, avec 320 morts causés par près de 74 attentats islamistes (soit 100 morts de plus que l’Espagne et trois fois plus que le Royaume-Uni – 101 morts), l’attentat du World Trade Center du 11 septembre 2001 (2 977 victimes) demeure l’acte le plus meurtrier à ce jour. Toutefois, il faut toujours garder à l’esprit que les pays qui paient le tribut le plus lourd sont, et de loin, les pays musulmans eux-mêmes, les zones les plus touchées étant l’Asie centrale (Afghanistan : 36 725 morts), l’Afrique subsaharienne (Nigeria : 19 000 morts), les États de la mer d’Arabie (Somalie, Soudan, Yémen), le Proche et le Moyen-Orient (Syrie, Irak).
Depuis 2012, l’Europe, plus particulièrement la France et la Belgique, a été la cible d’attentats ou de projets d’attaques perpétrés par des commandos revenant de Syrie ou d’Irak, ou bien par des islamistes ne s’étant pas rendus sur zone mais déterminés à agir localement. Dans la seule période 2017‑2019, les pays de l’Union européenne ont subi 115 incidents à caractère terroriste islamiste, 22 attentats, 13 tentatives d’attentats et 78 projets d’at‑ taques, pour un total de 85 morts et 400 blessés. Près de 5 500 citoyens européens sont partis faire le djihad en Syrie-Irak depuis 2014 et 7 000 d’Afrique du Nord.
D’après le coordinateur de l’Union contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, 1 500 djihadistes sont déjà rentrés en Europe depuis 2014, et le nombre d’islamistes radicaux capables de passer à l’acte est évalué à 50 000 au moins pour l’ensemble de l’UE13, donc sans compter des foyers suisses, bosniaques ou kosovars et albanais. Il estime le nombre d’islamistes prodjihadistes ou terroristes à 5 000 en Espagne, 25 000 au Royaume-Uni, et 17 000 en France. Dans l’Hexagone, 450 détenus islamisés (radicalisés) ont déjà été libérés entre 2012 et 2020, la majorité ayant été fanatisée en prison, preuve que les stratégies de déradicalisation et de réinsertion promues par l’Union et ses pays membres sont un fiasco, d’autant que dans plusieurs cas, des terroristes passés à l’acte étaient eux-mêmes suivis par les services… La France est le pays pour lequel le défi est et sera le plus important à l’avenir : environ 21 000 personnes ont été identifiées comme étant à des stades divers de radicalisation. Le problème se pose donc, d’une part, avec les terroristes encore présents en Syrie dans les camps de détention kurdes, qui pourraient s’échapper ou être libérés, à la suite du désengagement américain et de l’abandon des forces kurdes, puis, d’autre part, en Europe et en France avec « les frustrés du djihad », ceux qui n’ont pas pu partir, puis tous ceux qui vont être ou ont été libérés de prison après être revenus de la zone Syrie-Irak-Yémen ou après avoir été arrêtés dans le cadre d’opérations terroristes commises ou planifiées en France. Les Français partis faire le djihad, le plus gros contingent d’Européens, et qui sont de retour, représentent ainsi un danger et un défi majeurs pour les autorités, en raison de leur expérience du terrain, de leur formation aux techniques de guérilla urbaine et de leur capacité à transmettre leur savoir aux radicalisés français, notamment en prison. De plus, la situation instable dans le nord de la Syrie, avec le retrait des troupes américaines, a inspiré le gouvernement français qui a décidé de rapatrier près de 130 hommes et femmes détenus par les Kurdes et qui ont combattu ou sont en lien avec l’État islamique, soit une faible proportion sur les 300 personnes entre 2012 et 2017 qui sont revenues de Syrie, dont 240 hommes djihadistes. Preuve de la forte possibilité de récidive de ces détenus libérés et très difficiles à surveiller indéfiniment, faute de moyens, une étude du CAT de juillet 2018 rappelle qu’environ 60 % des Français partis faire le djihad entre 1986 et 2011, en Afghanistan, en Bosnie ou en Irak, ont récidivé à leur retour : 6 revenants sur 10 ont en effet été condamnés en France ou à l’étranger postérieurement à leur retour pour des infractions terroristes. Ces chiffres ne comprennent pas les nombreux Français partis rejoindre Daesh entre 2014 et 2019, faute d’étude globale sur leur cas, fait ainsi valoir le CAT, et de recul historique, la majorité des 600 personnes jugées depuis 2014 étant encore en détention.
Extrait du livre d’Alexandre Del Valle et Jacques Soppelsa, « Vers un choc global ? La Mondialisation dangereuse », publié aux éditions de L’Artilleur
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