[Quelles sont les incidences de théoriser le care comme un travail ? C’est la question à laquelle répond Pascale Molinier, professeure de psychologie sociale à l’université Sorbonne-Paris-Nord. Ses recherches se situent pour la plupart à l’intersection entre la psychodynamique du travail, les études de care et la psychothérapie institutionnelle. ]
Certains spécialistes de l’art pariétal font précéder d’un point d’exclamation les catégories d’images incertaines ou soumises à controverses (exemple : « ! vulve », Jean-Loïc Le Quellec, 2022). Le titre initial de cet article « Care = ! Travail » (publié tel quel dans le livre Que sait-on du travail ?, Presses de Sciences Po/Le Monde, 2023) s’en inspire ironiquement pour mettre en question les rapports entre « care » (soin, attention) et travail.
Care signifie, en première approximation, « responsabilité active en réponse aux besoins vitaux des autres ». Les éthiques du care sont apparues dans le champ de la psychologie et la philosophie à la fin du XXe siècle (Une voix différente. Pour une éthique du care, de Carol Gilligan, nouvelle traduction Paris, Champs essais, 2009).
Puis les études de care se sont développées depuis vingt ans au niveau international et sur un mode interdisciplinaire pour répondre à ce qui a été identifié comme une « crise du care » (Le travail entre public, privé et intime. Comparaisons et enjeux internationaux du care, Aurélie Dammame et al., L’Harmattan Logiques sociales, 2017). En substance, les femmes du Nord global ont investi le travail salarié, d’où résulte un appel à une main-d’œuvre de femmes migrantes des Sud pour s’occuper à bas coût des personnes vulnérables (enfants, malades, vieillards), au domicile ou en institution.
La perspective du care – en tant que manière de regarder le monde à partir des besoins générés par la vulnérabilité du vivant – se déploie dans les registres de l’éthique, du travail et de la politique. Dans cet article, on se demandera quelles sont les incidences de théoriser le care comme un travail. C’est-à-dire d’investir un cadre conceptuel qui a été pensé au masculin-neutre pour rassembler, sous un terme générique, des activités masculines et leur donner une valeur.
Sortir des dualismes
La pensée sur le travail est marquée par un dualisme si répandu dans la pensée occidentale qu’il semble aller de soi (Feminism and the Mastery of Nature, de Val Plumwood, Routledge, 1993). Les sciences du travail ont opposé le travail au « hors-travail », ce dualisme s’associant à d’autres tels que homme/femme ; public/privé ; salaire/gratuité ; contrat/don.
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