La Sorbonne fait polémique en reportant une conférence sur les frères musulmans

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Prévue de longue date, une intervention de la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler a été reportée en dernière minute, pour des raisons opaques.

Effet Streisand : démonstration. Voilà une conférence qui n’avait jusqu’ici pas fait l’objet d’une campagne de communication ambitieuse, ni suscité, autant que Le Figaro a pu en juger, de réactions particulières… mais qui vient subitement de défrayer la chronique. Si le but était de ne pas faire trop de vagues, c’est raté.

Dans le cadre d’un diplôme d’université (DU) du référent laïcité, c’est-à-dire une formation continue sur la gestion du fait religieux, proposé par la Faculté des Lettres de la Sorbonne, le responsable pédagogique du cursus Pierre-Henri Tavoillot a invité l’anthropologue du CNRS Florence Bergeaud-Blackler à venir faire une conférence sur le thème de son dernier livre, une étude consacrée à l’islam des frères musulmans et ses leviers d’influence en France (Le frérisme et ses réseaux, Odile Jacob, 2023). Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie politique à la Sorbonne, a pris en effet l’habitude de proposer en plus de l’offre de cours de ce DU, une conférence publique mensuelle donnée par une personnalité publique engagée sur le sujet. À la suite du rabbin Haïm Korsia ou du philosophe Luc Ferry, c’est donc Florence Bergeaud-Blackler qui s’est vue inviter à venir parler dans ce cadre le vendredi 12 mai.

Seulement l’intervention, prévue depuis le mois de février, a dû être reportée en dernière minute à la demande de la doyenne de la Faculté des Lettres, Béatrice Perez. Celle-ci a demandé le 5 mai aux organisateurs de «surseoir» la tenue de l’événement, afin de ne pas «jeter de l’huile sur le feu» en période d’examen, dans un contexte universitaire marqué par d’importantes tensions à la suite du mouvement social contre la réforme des retraites. Pierre-Henri Tavoillot assure pourtant que le rectorat de la Sorbonne n’avait jusqu’ici jamais remis en cause les conditions de sécurité de l’événement, et Florence Bergeaud-Blackler, qui avait relayé sur Twitter le 2 mai dernier un lien d’inscription pour assister à la conférence, affirme n’avoir vu circuler aucun message appelant à perturber l’événement. Interrogée par Le Figaro, Sorbonne Université se contente d’indiquer laconiquement que «les conditions d’organisation n’étaient pas remplies».

L’université explique sur Twitter que «le décanat de la faculté a été informé par l’organisateur vendredi 5 mai», soit une semaine seulement avant l’événement, un délai jugé trop court. Cette précision tatillonne renvoie à une distinction dans la gouvernance de Sorbonne Université, qui est issue de la fusion entre les universités Paris-IV et Paris-VI, et sous-divisée en plusieurs facultés dirigées chacune par un doyen – tandis que le recteur s’occupe de la gouvernance exécutive, et notamment de la sécurité des personnes dans les locaux. En l’espèce, les services du rectorat avaient donc été informés de la tenue de l’événement.

Vague d’indignation

Surpris donc par la décision de la doyenne, Pierre-Henri Tavoillot a tout de suite demandé d’intervertir la conférence de Florence Bergeaud-Blackler avec celle de Jean-Michel Blanquer, prévue le 2 juin. Dans le même temps, la conférencière a choisi de médiatiser la décision de suspendre son intervention. L’anthropologue, en effet, a déjà été confrontée à plusieurs reprises à la frilosité du monde universitaire quant à ses travaux : en 2019, l’Université d’Aix-Marseille avait refusé de garantir la sécurité d’une de ses conférences, l’obligeant à recourir aux services d’une société de sécurité privée ; et en 2014, un autre établissement lui avait demandé de ne pas annoncer la tenue d’une conférence pour ne pas susciter de troubles. Après la parution de son livre sur les frères musulmans, elle a été placée sous protection policière suite à des menaces de mort qu’elle a reçues sur internet.

La suspension de la conférence de vendredi a alors suscité la polémique, et Florence Bergeaud-Blackler a reçu le soutien de plusieurs élus de droite. «Affligeant et pour tout dire très inquiétant de voir l’université française baisser la tête devant les pressions islamistes. Le combat contre la barbarie doit être mené partout, et notamment là où la liberté d’expression devrait être sacrée !» a ainsi écrit Bruno Retailleau, le président du groupe LR au sénat, tandis que le député européen François-Xavier Bellamy lui a assuré son «soutien total», rappelant les menaces et les invectives dont elle a fait l’objet en raison de ses travaux.

Suite à cette vague d’indignation, la Sorbonne a finalement accepté ce matin la proposition de Pierre-Henri Tavoillot d’échanger les dates des deux dernières conférences publiques prévues dans le cadre de ce DU, et l’intervention de Florence Bergeaud-Blackler aura donc lieu de 18h à 20h le vendredi 2 juin. Le recteur a accepté de présider la séance, qui clôturera cette formation sur la laïcité.

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