(2/6) Les faits : l’accord d’Abou Dabi ne concerne que l’Université Paris 4 Paris-Sorbonne et n’engage qu’elle.

 

En 2006, l’Université Paris 4 Paris-Sorbonne sous la présidence de Jean-Robert Pitte crée une antenne à Abu Dhabi en présence de Gilles de Robien (alors Ministre de l’Education).

 

Créer une implantation à l’étranger pour une université française, c’est s’internationaliser (internationaliser son corps professoral et ses étudiants), promouvoir sa marque à l’étranger mais c’est surtout une manne financière non négligeable à l’heure où les universités françaises, en particulier spécialisées dans le domaine des Sciences Humaines et Sociales (SHS), sont sous-financées en comparaison à leurs homologues anglo-saxonnes. Car les droits universitaires sont bien évidemment beaucoup plus élevés en dehors de nos frontières. Une année de Master à la LSE de l’Université de Londres coûte au moins 20 000 euros par an en droits universitaires alors que le même Master 2 coûte environ 200 euros à la Sorbonne ! Une année universitaire à Abu Dhabi coûtant 13 000 euros par étudiant et Paris 4 Paris-Sorbonne touchant 15% des droits universitaires, Paris 4 bénéficie d’une ressource supplémentaire d’environ 500 000 euros par an (300 000 euros en 2007/2008 selon Michel Fichant, président du comité stratégique de Paris-IV et membre du conseil de direction de Paris-Sorbonne Abu Dhabi ).

 

Jean-Robert Pitte (ancien président de Paris 4), Georges Molinié (actuel président de Paris 4) et Pierre-Yves Hénin (ancien président de Paris 1) sont formels : l’accord passé entre l’Université Paris-Sorbonne (Paris 4) et le Royaume d’Abu Dhabi porte une clause d’exclusivité pour la région du Proche et Moyen-Orient et personne ne cherche à la nier. Cependant, comme le souligne Georges Molinié, dans sa version anglaise, la clause d’exclusivité porte sur « the Sorbonne University » et non sur « Paris-Sorbonne » ou « Paris 4 », comme c’est le cas dans la version française de l’accord. C’est sur cette erreur d’amateur (si nous faisons l’hypothèse que Pitte est de bonne foie et que ce n’était pas volontaire) commise par les rédacteurs de ce contrat, que se baseraient la Présidence de la République Française et le Ministère des Affaires Etrangères pour justifier leurs actions visant à interdire toute implantation de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne dans le Proche et Moyen-Orient. Or, comme nous l’a rappelé l’ancien président de Paris 1, c’est la version française de l’accord qui fait foi, et non la version anglaise. Juridiquement, les oppositions de l’Elysée et du Quai d’Orsay au développement de Paris 1 dans cette région du monde sont complètement infondées : d’une part, parce que Paris 1 Panthéon-Sorbonne n’a jamais été partie au contrat, et d’autre part, parce que dans la version française du contrat faisant foi, il est bien stipulé que l’accord d’exclusivité pendant dix ans concerne l’Université Paris-Sorbonne (Paris 4) et non l’Université de la Sorbonne (qui au demeurant n’existe pas et n’a aucun statut juridique). Georges Molinié le rappela en ces termes : « L’idée que l’on puisse vendre le nom Sorbonne, qui en plus ne nous appartient pas… c’est plouc !» Jean-Robert Pitte a dû, d’ailleurs, le re-confirmer à maintes reprises : « Cette clause d’exclusivité n’interdit qu’à notre établissement, Paris Sorbonne, d’ouvrir une autre antenne à proximité d’Abu Dhabi. Paris 1 Panthéon-Sorbonne pourrait légalement ouvrir une antenne au Qatar. »

 

Et pourtant, Paris 1 s’est vue refusée par le Quai d’Orsay l’ouverture d’implantations prestigieuses au Qatar et au Bahreïn explicitement demandées au Président de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne par cet état et ce royaume. Est-ce donc cela, l’autonomie des universités, si chère à Valérie Pécresse et à Nicolas Sarkozy ? Le gouvernement peut-il s’immiscer dans la stratégie de développement international de ses plus prestigieuses universités, quitte à créer des incidents diplomatiques avec d’autres pays des Emirats, tout en utilisant des méthodes médiocres pour éviter que ne se créent ces partenariats voulus à la fois par Paris 1 et par le Qatar et le Bahreïn, comme par exemple en désignant le Président de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne comme « persona non grata » au sein d’un autre état souverain et en l’obligeant à décliner l’invitation d’un roi? Depuis fin avril 2009, Pierre-Yves Hénin, qui vient de transmettre ses pouvoirs de Président de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au nouveau Président élu, Jean-Claude Colliard, a retrouvé sa liberté d’expression et se permet de protester sur le fond et sur la forme.

Guillaume Mariani

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